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André Malraux et le christianisme, une mystérieuse attirance

Un article rédigé par Thierry Lyonnet, Odile Riffaud - RCF, le 30 janvier 2024 - Modifié le 31 janvier 2024
L'Entretien de la semaineAndré Malraux et le Christ. avec François de St Chéron

 

Il a perdu la foi à l'âge de 16 ans, mais André Malraux n'a pas rejeté son héritage catholique. Écrivain, aventurier, homme, politique, intellectuel engagé, il est resté toute sa vie passionné par le fait religieux et par le christianisme. Il était notamment fasciné par saint François d'Assise, l'évangéliste Jean ou même la personne du Christ. Jean de Saint-Cheron nous en dit plus sur cette mystérieuse attirance.

 

André Malraux en 1974 ©wikimédia commonsAndré Malraux en 1974 ©wikimédia commons

 

"Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas." On attribue souvent cette à André Malraux (1901- 1976). C’est même la plus citée de l’écrivain : pourtant, il ne l’a "jamais écrite", prévient François de Saint-Cheron, qui se dit là-dessus "affirmatif". Certes André Malraux a dû la prononcer, "puisque certains témoins dignes de foi l’on rapportée" mais Malraux lui-même a "démenti" une formule qui circulait déjà de son vivant. "Cette phrase, même s’il l’a dite ne traduit pas sa pensée", estime François de Saint-Cheron.

Cela n’enlève rien au fait qu’André Malraux s’est intéressé tout au long de sa vie aux religions et notamment au christianisme. C’est ce que décrit François de Saint-Cheron dans "Malraux devant le Christ" (éd. Desclée de Brouwer, 2024), un essai sur le lien entre André Malraux et le christianisme. "Il n’a pas cessé de s’intéresser au christianisme en particulier par le biais des arts religieux."

 

André Malraux était fasciné par François d’Assise dont il disait que c’était un génie de la charité !

 

Le catholicisme en héritage

"J’ai perdu la foi après la confirmation", a dit Malraux. Devenu agnostique vers l’âge de 16 ans, il ne s’est pas contenté de regarder de loin le catholicisme qu’il avait reçu en héritage. "Il est allé au-delà", confirme son biographe. "Il y a beaucoup de choses dans cette vie et dans cette œuvre qui témoignent bien d’un intérêt profond et d’une fascination pour le christianisme."

Ainsi, les "préoccupations religieuses" de Malraux, ainsi que sa "fascination pour le christianisme" se lisent dans plusieurs de ses livres. Par exemple, dans "Le surnaturel" (1974), le premier volume de la trilogie "La Métamorphose des Dieux", "il consacre des pages éblouissantes à l’art roman, à l’art gothique", rapporte François de Saint-Cheron. Et dans ses "Antimémoires" (1967) il offre "une relecture de l’évangile de saint Jean".

André Malraux était également fasciné par de grandes figures chrétiennes comme François d’Assise sur lequel il a beaucoup écrit et pour qui il avait beaucoup d’admiration. Son biographe décrit même "une sorte d’affection, une affinité, il était fasciné par François d’Assise dont il disait que c’était un génie de la charité !" De même, saint Jean l’évangéliste "était pour lui un auteur très important". Et quand, en 1944, il a été arrêté par les Allemands et qu’il pensait qu’il allait être tué, il demandé à relire l’évangile de saint Jean. "Saint Jean était quelqu’un de très important pour lui qui avait donné sa couleur essentielle au christianisme."

 

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"Un esprit religieux sans foi"

Par "honnêteté intellectuelle" et pour pas que l’on croie à "une récupération", François de Saint-Cheron prévient dès le début de son livre : "Malraux était agnostique. Il est important de le dire d’emblée. Il ne serait donc question de le récupérer." Comment comprendre son attirance pour le christianisme, et son admiration pour de grands croyants, lui qui a toujours dit avoir perdu la foi ?

Très tôt confronté à la mort, André Malraux était habité par une profonde quête de sens. Il avait près de 30 ans quand son père s'est suicidé. En 1961, ses deux fils sont morts dans un accident de voiture. Leur mère, Josette Clotis, était morte en 1944, après avoir été écrasée par un train. "C’était un grand amour, souligne son biographe, donc ça a certainement été une épreuve terrible." Dans ses premiers romans, comme "Les Conquérants" (1928), la mort est très présente.

"Peut-être suis-je essentiellement un esprit religieux sans foi", a écrit André Malraux à François Mauriac. "Une phrase énigmatique, paradoxale", admet François de Saint-Cheron, mais qui résume sans doute quel était le rapport de Malraux à la foi. "Je pense que par esprit religieux il entendait un esprit qui s’intéresse beaucoup à la religion, un esprit très sensible au sacré au domaine religieux, à la vie de certains grands saints, à l’art religieux, analyse son biographe, la religion le touchait par toutes sortes de points." André Malraux était "un esprit sensible au religieux, perméable au religieux".


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