Cette mercredi, sort en salles un nouveau film issu de la compétition du festival de
Cannes : c’est le thriller de Tarik Saleh, "La conspiration du Caire".
C’est le deuxième long-métrage de ce réalisateur d’origine égyptienne, Tarik Saleh, à sortir en France. Vu le succès du premier - c’était "Le Caire confidentiel" sorti en 2017- on peut imaginer que ses autres films restés pour l’instant dans les tiroirs des distributeurs vont suivre. Tarik Saleh nous avait impressionnés par sa maîtrise des codes du film de genre : un polar contemporain, à la veine sociale et politique. L’enquête se déroulait sur fond de corruption, à la veille de la révolte du printemps arabe. On retrouve les mêmes qualités ici : une mise en scène très maîtrisée, une atmosphère inquiétante, un esthétisme de la photographie très léché, dans un scénario plus proche du film d’espionnage, à base de trahisons et de faux semblants.
L’histoire est celle d’Adam, fils de pêcheur dans un petit village au bord du Nil, élève brillant envoyé étudié au Caire, à la très prestigieuse université al-Azhar, au moment même où le grand imam meurt. Il va alors se retrouver pris au piège dans la guerre de succession de cette institution incontournable de l’islam sunnite, au cœur d’une lutte de pouvoir opaque et sans merci.
Trois prétendants se disputent la succession du grand imam. Trois camps aux objectifs divergents. En interne, dans ce temple du savoir qu’est Al-Azhar, un imam éclairé et modéré. En face, on assiste aux manœuvres troubles du bureau de la Sûreté de l’État, incarné par le colonel Ibrahim. Il se rapproche d’Adam pour en faire son indic’ infiltré. Il est joué par Fares Fares, l’inspecteur aussi dans "Le Caire confidentiel", et il est parfait en personnage à la fois inquiétant et amical. Et en arrière-plan, ce sont les Frères musulmans, les plus extrémistes et menaçants, prêts à tout pour imposer leur candidat.
C’est captivant, oppressant, le scénario est très habile et lui a valu un prix à Cannes. C’est un peu confus par moments. On sent que le réalisateur hésite entre le pur thriller ou le film politique. Mais c’est très dépaysant, avec une impression "exotique" de s’immiscer de l’intérieur dans une réalité que nous connaissons mal.
Tarik Saleh a été interdit de tournage sur place pour son film précédent déjà. Il avait dû partir tourner au Maroc au dernier moment. Pour celui-ci, il a choisi la Turquie et la mosquée Süleymanie d’Istanbul. Elle est absolument somptueuse ! Il joue très bien de son architecture, en faisant un élément central du film, avec sa succession de salles, de corridors, qui illustre l’enfermement progressif du jeune Adam. Et la grande cour centrale au décor très géométrique devient le piège qui se referme sur lui.
Le titre orignal, "Boy from heaven", que l'on peut traduire par "Un garçon venu du ciel / paradis", fait référence à la première et à la dernière séquence du film qui se passe dans son village. On voit comment ce jeune homme à la foi sincère, à qui on a enseigné une religion de paix, va puiser dans cet enseignement pour sortir de l’engrenage infernal. Et cela en fait aussi le défaut du film. Beaucoup de pistes de lectures ouvertes par le scénario dans l’histoire d’Adam. Et en même temps, pour une fois, on nous parle de l’islam sur un plan spirituel. Ça fait du bien aussi !
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