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Daniel Duigou : "J’étais devenu le curé à abattre"

Un article rédigé par Thierry Lyonnet, Odile Riffaud - RCF,  - Modifié le 17 juillet 2023
VisagesDaniel Duigou, journaliste, psychanalyste et prêtre

Ancien journaliste, présentateur de JT sur TF1 et France 2, Daniel Duigou est une figure singulière de l’Église de France. Ordonné prêtre à 51 ans, il est aujourd’hui ermite dans le sud du Maroc et toujours psychanalyste. Dans son livre, "Sept jours au désert" (éd. Salvator), paru quelques jours après le rapport Sauvé, il délivre des messages sur l'Église et la figure du prêtre. Il revient aussi sur son expérience de curé de Saint-Merry à Paris. Où il a souffert de cléricalisme... de la part de laïcs.

 

©Profil Facebook de Daniel Duigou©Profil Facebook de Daniel Duigou

"L’Église ne peut pas faire l’économie d’une déconstruction"

 

Dans "Sept jours au désert" - un "roman fictif qui s’appuie sur des faits réels" - Daniel Duigou raconte comment Olivier, prêtre retiré au Maroc, accompagne Claire, une religieuse qui se demande si elle doit ou non quitter son couvent.

Ancien journaliste, présentateur de JT sur TF1 et France 2, Daniel Duigou est une figure singulière de l’Église de France. Ordonné prêtre à 51 ans, il est aujourd’hui ermite dans le sud du Maroc et toujours psychanalyste. À travers son roman, il fait passer plusieurs messages sur la liberté et l’accompagnement spirituel. Et aussi sur la façon dont l’Église catholique, en s’appuyant sur la tradition chrétienne, peut aider les individus à grandir en liberté.

 

Son ouvrage est paru quelques jours après le rapport Sauvé. Selon Daniel Duigou, "l’institution Église doit être d’abord signe, elle a la fonction non pas d’organiser le pouvoir mais de faire signe, de signifier Dieu, l’amour de Dieu, l’amour du prochain". Au lieu de quoi, selon lui, l’Église a "oublié l’Évangile" et "s’est transformée en un système". Mais pour lui, il n’y a pas que l’Église : ce sont "toutes les institutions, y compris par exemple la démocratie, qui vont devoir se réinventer". Dans cette période où l’on vit "la mort d’une civilisation", Daniel Duigou considère que "l’Église ne peut pas faire l’économie, d’une part, d’une déconstruction, et d’autre part, d’inventer de nouveaux repères".

 

 

Lorsque la soif du pouvoir l’emporte sur la raison, une forme de cléricalisme chez les laïcs est aussi dangereuse que chez les prêtres

 

 

Une autre forme de cléricalisme, celui des laïcs

 

Dans son livre, Daniel Duigou évoque la place du prêtre, qui ne doit surtout pas être un "maître à penser", prévient Daniel Duigou. Pas plus qu’un autre Christ : pour le psychanalyste, cela relève d’une "mystique qui ne tient plus aujourd’hui"... Pour autant, le cléricalisme peut être aussi le fait de laïcs : Daniel Duigou l’a appris à ses dépens. 

 

Entre 2015 et 2018, il a été le curé du Centre pastoral Saint-Merry. "Ça a été l’enfer", confie-t-il sans détour. Connu pour son ouverture d’esprit, il a vécu une expérience de contre-pouvoir des laïcs. Saint-Merry avait reçu en 1975 la mission de mener des expérimentations pour une nouvelle Église. "Je me suis trouvé en face non pas d’une communauté mais d’un noyau dur qui avait vécu mai 68 et qui était toujours mentalement resté à cette époque, il est interdit d’interdire… J’étais devenu le curé à abattre." Le centre a été dissous en mars 2021. De son expérience, Daniel Duigou tire une leçon : "Lorsque la soif du pouvoir l’emporte sur la raison, une forme de cléricalisme chez les laïcs est aussi dangereuse que chez les prêtres."

 

Laïcs ou prêtres, une question de formation

 

"Si demain, et je le souhaite, les laïcs, sont de plus en plus associés, ils doivent être formés." Daniel Duigou insiste là-dessus. D’ailleurs, que l’on soit prêtre ou laïc, assurer un rôle au sein d’une communauté paroissiale, et assurer le lien avec l’évêque, cela s’apprend. "C’est très important cette problématique de la formation."

 

Ainsi, au sujet de la confession, Daniel Duigou rappelle que le droit canon est "très précis" et "dit que le prêtre au moment de la confession ne doit pas faire d’enquête, il ne doit pas poser de question". Or, il a pu le constater, cela n’est pas toujours respecté. "C’est assez étonnant qu’on n’ait pas préparé les prêtres à respecter cette intimité", dit-il. Et si c’était parce que l’institution ne respectait pas elle-même l’intimité du prêtre ? Danièle Hervieu-Léger parle d’une "culture de l’intrusion". Pour le prêtre et psychanalyste, "en demandant le célibat au prêtre, on veut contrôler sa vie à travers sa sexualité".

 

Le célibat des prêtres, "une vocation et non une obligation"

 

Dès 2018, Daniel Duigou pointait du doigt les dysfonctionnement de l'Église, dans sa "Lettre ouverte d’un curé au pape François" (éd. Presses de la Renaissance). Un texte dans lequel il déclare qu’il faut mettre fin à cette obligation du célibat des prêtres. Une obligation qui court depuis le XIIe siècle et qui relève d’une volonté de contrôle de la part de l’institution, d’après Daniel Duigou. Pour "justifier le changement de statut, s’est développée une mystique où le prêtre devient un être sacré".

 

Ordonné à l’âge de 51 ans, Daniel Duigou il n’a pas attendu d’être prêtre pour faire le choix du célibat. Lui qui a su qu’il voulait devenir prêtre vers 10 ou 12 ans, distingue "vocation" et "obligation". Rejetant ce qui relève du "fantasme", c’est-à-dire l’idée de se garder de la sexualité vue comme sale pour que le prêtre soit sacralisé, il déclare vivre le célibat "pour vivre un autre désir" que celui d’avoir une femme et des enfants. Si lui a fait ce choix, il considère qu’il "faut déconnecter le célibat du sacerdoce : le sacerdoce ne doit pas être lié au célibat".

 

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