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Israël Palestine : Ecouter la voix des artistes

Un article rédigé par Stéphanie Gallet - RCF, le 20 octobre 2023 - Modifié le 20 octobre 2023
EffervescenceIsraël Palestine : Écouter la parole des artistes

Au Proche Orient la blessure jamais cicatrisée entre Israël et la Palestine s’est réouverte de façon sanglante.
Dans cette émission Effervescence, nous avons la conviction qu’il faut écouter les artistes.

Cette région est riche en créateur et créatrices. Ecrivains, cinéastes, chanteurs, plasticiens, ils ont tous leur terre et leur peuple chevillés au corps et ils ont les mots pour raconter cette destinée tragique et appeler à une avenir de paix.
La culture comme un baume sur les cœurs, non pas pour les aseptiser mais pour les rendre plus sensibles à la détresse de l’autre.
Effervescence, une émission de Stéphanie Gallet avec cette semaine Ingrid Blanchard et Victoria Jacob

Le chanteur israélien Asaf Avidan (photo wikipédia)Le chanteur israélien Asaf Avidan (photo wikipédia)

Le rappeur Saint-Levant : From Gaza with Love

Saint Levant est un artiste palestinien d’origine algéro-franco-serbe. C’est un très jeune homme, il n’a pas 22 ans. Il vit aujourd’hui aux Etats-Unis mais jusqu’à l’âge de 10 ans; il a grandit à Gaza.
Ses parents étaient retournés vivre en Palestine, car avec les accords d’Oslo, ils pensaient que Gaza allait devenir la Singapour du Moyen Orient …
Mais en 2001, la reprise de l’Intifada a eu raison de leur rêve de prospérité palestinienne.
Saint Levant fait donc partie de cette diaspora qui porte haut la cause palestinienne et son tube From Gaza with love a cet été fait danser une partie de la planète.

Israël, c'est aussi Tel Aviv

Le 7 octobre, les hommes du Hamas ont massacré et pris en otage des jeunes Israéliens qui participaient à une rave party.
Quand on pense Israël en France, on pense tout de suite Jérusalem. Mais Israel, c’est aussi Tel Aviv et cette jeunesse branchée qui s'oublie dans la fête et les boites de nuit.
Cette jeunesse qui joue la provoc et va danser dans le désert à la barbe et au nez des religieux et des extrémistes de tout poil.
Cette jeunesse, qui a péri ce 7 octobre sous les coups des islamistes du Hamas, aurait-elle pu danser sur la musique de Saint Levant ? Dans un autre monde peut être ; bien loin de cette terre qui ne laisse pas beaucoup de chance et d’espoir à la jeunesse.
La jeunesse israélienne et la jeunesse palestinienne partagent, en quelques sorte, les même angoisses face à l’avenir mais aussi face au présent.

Deux jeunesses, si loin, si proche

Ces deux jeunesses qui vivent si proche et si loin à la fois, il en est question dans Le livre de Valérie Zénatti Une bouteille dans la mer de Gaza comme le raconte Victoria Jacob au micro d'Effervescence : L'histoire d'une jeune fille habitant Jérusalem qui veut comprendre comment les attentats suicides sont possible et fait déposer un message dans une bouteille sur une plage de gaza ... La suite c'est sa correspondance avec celui qui se fait appeler Gazaman et qui montre bien la difficulté pour chacun de penser ce que vit l'autre communauté.

Le film 200 mètres pour dire l'absurde d'un quotidien séparé

Pour évoquer l'absurdité de la situation de ces deux communautés qui vivent dans un état de promiscuité et de guerre latente, Ingrid Blanchard a choisi le film 200 mètres d'Ameen Nayfeh.
Cette fois-ci nous sommes en Cisjordanie. C'est l'histoire d'une famille arabe qui vit séparée par le mur. Côté Israël, la mère et les enfants qui ont la nationalité israélienne ; côté Palestine, le père qui refuse de prendre la nationalité israélienne et qui ne peut donc pas vivre auprès des siens. Tous les jours , comme des milliers de Palestiniens, il va travailler du côté de l'Etat juif. Mais l'absurde vire au cauchemar quand son fils est victime d'un accident et que son père veut le rejoindre en dehors des horaires réglementaires. Ces 200 mètres n'auront jamais été aussi longs.

La lassitude donc et l'horreur devant tant de morts accumulés.

De nombreux films dans l'histoire du cinéma de ces dernières années évoquent la situation de ces deux peuples qui revendiquent chacun leur légitimité à vivre sur cette terre.
De nombreux cinéastes, qu'ils soit juifs ou arabes, racontent la fatigue de cette guerre sans fin et l'absence d'horizon pour la jeunesse.
Ainsi en 2021, Le genou d'Ahed du réalisateur israélien Nadav Lapid obtient le Prix du jury au Festival de Cannes. Le film revient sur l'histoire de cette jeune palestinienne qui en 2017 avait giflé des soldats israéliens. Un haut gradé de l'armée israélienne avait alors regretté que les soldats ne lui aient pas tiré dessus … au moins dans les genoux.
Dans Le genou d'Ahed, Nadav Lapid met en scène son double un réalisateur israélien qui ne réussit pas à tourner ce film sur l'histoire d'Ahed comme si c'était l'épisode de trop …

 

Et en France la peur que ce conflit déborde et arrive chez nous.

Il y a les polémiques autour des interdictions de manifestations et puis la question : les artistes originaires de ce conflit doivent-ils continuer à se produire ?
La chanteuse israélienne Noa devait assurer l'ouverture le samedi dernier du Festival Belen à Beaune en Cote d'or, mais l'actualité des derniers jours la contraint à demeurer en Israël ont déclaré les organisateurs.
Le comédien palestinien Ahmed Tobasi est lui, bien arrivé en France mais la tenue de sa pièce And Here I Am est en suspend. Sa tournée en Suède a déjà été annulée

A Choisy-le-Roy où l’artiste devait se produire le 11 octobre dernier, la mairie a décidé «en signe d’apaisement et de respect pour toutes les victimes», de reporter la pièce
A Bordeau et à Lyon elle a bien été joué cette semaine

And Here I Am, c’est un seul en scène en arabe et en anglais qui retrace l'itinéraire de jeune homme. Ahmed Tobasi est né dans le camp de réfugiés de Jénine (Cisjordanie) pendant la première intifada, prisonnier politique à 17 ans, il est aujourd'hui exilé en Norvège.
Un spectacle où il raconte comment le théâtre l’a sauvé de la folie des hommes et comment il a fondé une troupe dans le camp de son enfance.
Voilà ce qu’on lu avant le spectacle, les organisateurs de la représentation bordelaise :
« Nous pensons qu’annuler l’accueil de ces spectacles serait une persécution de plus à l’encontre d’artistes déjà en péril. Nous pensons que le contexte actuel en réaffirme l’impérieuse nécessité. Faire entendre cette parole, c’est faire la place à d’autres voix que celles de l’extrémisme et de la violence. »

Asaf Avidan veut croire à la culture pour rapprocher les gens

Asaf Avidan est l’artiste israélien le plus célèbre aujourd'hui dans le monde.
On connait et on adore sa voix rocailleuse capable de monter dans les aigues.
Il est actuellement en tournée en France.
Jouer ou ne pas joue, la question se posait aussi pour lui.
Vendredi soir, il était à Nancy dans le cadre du festival Nancy Jazz Pulsations
Un concert somptueux que l'on peut voir sur le site d'Arte.
Seul sur scène, passant d’un instrument à l’autre , son show a bouleversé le public nancéen.
Au bout d'un dizaine de minutes, Asaf Avidan prend la parole pour expliquer en anglais son choix de continuer à monter sur scène.
Non pas parce que the show must go on.
Non pas parce que, ne pas jouer serait donner raison à ceux qui tuent.
Non pas non plus pour fuir la réalité
Mais par ce qu’il croit au langage de la culture, il croit à la capacité de la musique, de la poésie à toucher l’intime de chacun, et que ce n’est qu’en regardant la noirceur au plus profond de nous, que nous serons capables de développer notre empathie et ensuite d’aider les autres.
 

Puissent les mots, enfin limpides, nous laisser entrevoir les fenêtres ouvertes
Puisse le temps se hâter avec nous, et apporter notre lendemain dans ses bagages.

Mahmoud Darwich

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