Aujourd'hui Guillaume Goubert nous parle de Corita Kent. Aussi bien religieuse, artiste, éducatrice que militante pour la paix, Sœur Corita a imposé son style en sérigraphie. Le collège des Bernardins lui consacre une exposition.
Elle s’appelait Corita Kent et son destin est tout à fait singulier dans l’histoire de l’art. Le collège des Bernardins, à Paris, consacre une belle exposition à la vie et à l’œuvre de cette Américaine. À sa naissance, en 1918, elle s’appelait Frances Elizabeth Kent. En 1936, à Los Angeles en Californie, elle entre dans la congrégation enseignante du Cœur immaculé de Marie et devient, en religion, Sœur Maria Corita. Après avoir été institutrice au Canada, elle se forme dans le domaine de l’art. Au début des années 1960, elle prend la tête de l’école d’art de l’Immaculate Heart College, l’université appartenant à sa congrégation. Très aimée de ses élèves, elle invite à ses cours des célébrités comme le cinéaste Alfred Hitchcock, les designers Charles et Ray Eames ou l’affichiste Saul Bass. Et c’est dans cette école qu’elle développe sa propre démarche artistique.
Sœur Corita se définissait comme une « artiste imprimeuse ». Sa spécialité était la sérigraphie, une technique d’impression peu coûteuse et qui exalte les couleurs. Il y avait chez elle le souci de créer un art qui s’adresse à tous. Pour atteindre son but, celle qui portait encore un sévère habit religieux n’a pas hésité à adopter les codes du Pop art, ce qui signifie art populaire. Le Pop art était un courant pictural qui utilisait volontiers les images, les couleurs, les lettrages de la communication publicitaire. On connaît par exemple les célèbres images de boîtes de soupe produites par Andy Warhol, lui-même virtuose de la sérigraphie.
Son but était de partager un message de foi, d’amour et de justice porté par l’espérance chrétienne. Corita Kent vivait et travaillait dans un moment de grands bouleversements. Dans l’Église catholique avec le Concile Vatican II, dans la société américaine avec la contestation portée par la jeunesse, la lutte pour les droits civiques conduite par Martin Luther King et la mobilisation contre la guerre du Vietnam. Soeur Corita traduisait en art les premiers mots du texte conciliaire Gaudium et spes : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ. »
Cela a conduit Sœur Corita à un art très engagé comme l’illustre la sérigraphie « Stop the bombing », arrêtez le bombardement. Cela ressemble à une affiche politique mais on peut aussi y lire en petits caractères ces mots griffonnés : « I am in Vietnam - who will console me ? » (Je suis au Vietnam qui me consolera ?). Ce qui peut exprimer aussi bien la détresse des Vietnamiens que celle d’un soldat américain piégé dans cette sale guerre.
La démarche de Sœur Corita suscitera de vives tensions avec la hiérarchie ecclésiale, en particulier avec l’archevêque de Los Angeles. En 1968, elle demande à être dispensée de ses vœux religieux et poursuit sa vie d’artiste à Boston, de l’autre côté des États-Unis jusqu’à sa mort en 1986. Aujourd’hui, des lieux d’Église lui ouvrent grandes leurs portes comme le Collège des Bernardins ou le Pavillon du Vatican à la Biennale d’art qui est en cours à Venise.
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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