Aujourd'hui, Guillaume Goubert nous parle de népotisme. Ce mot, qui désigne le fait de favoriser des membres de sa famille, trouve son origine dans le fonctionnement du Vatican. Découvrons-en davantage dans cette chronique culturelle.
On utilise ce mot de manière péjorative pour désigner les personnes qui profitent de leur position de pouvoir afin de favoriser des membres de leur famille. Or, ce terme trouve son origine dans le Vatican. Entre le XIe et le XVIIe siècle, il était courant que le pape nomme cardinal l’un de ses neveux, nepos en latin, nipote en italien. C’est de là que vient le terme népotisme. L’un des plus célèbres cardinaux-neveux fut Scipion Borghèse, né en 1577 et mort en 1633. Neveu du pape Paul V, nommé cardinal à seulement 28 ans, il utilisa son influence au sein de la Curie romaine pour constituer l’une des plus extraordinaires collections d’art de l’histoire. Il exposa peintures et sculptures dans une villa située sur le Pincio, l’une des collines de Rome. Cette villa, devenue musée, est actuellement en travaux. La galerie Borghèse a donc prêté un grand nombre de ses chefs-d'œuvre au musée Jacquemart-André, qui les expose actuellement à Paris.
Oui, vraiment ! Même si, hélas, les salles d’exposition du musée Jacquemart-André sont petites, donnant une impression d’entassement. Quelques noms suffisent à susciter l'envie de visiter l'exposition : Botticelli, Raphaël, Titien, Caravage, Véronèse ou Le Bernin. Mais aussi d’autres artistes, moins célèbres mais tout aussi talentueux, comme Antonello de Messine ou Lorenzo Lotto. Il ne s’agit pas d'œuvres de second ordre : Scipion Borghèse avait un goût très sûr, et c'est un euphémisme. Il savait acheter — ou s’approprier — le meilleur.
Parce qu’il a parfois utilisé sa position cardinalice pour s’emparer de magnifiques tableaux. Par exemple, ceux appartenant au Cavalier d'Arpin, que le pape Paul V expropria sous un prétexte fallacieux au profit de son neveu. Le Cavalier d'Arpin était un excellent peintre (des œuvres de lui sont présentes dans l'exposition), et il avait comme assistant un jeune artiste bientôt célèbre : Le Caravage. Cela permit à des tableaux de ce dernier d’entrer dans la collection Borghèse.
Par son goût et sa position dans l’Église, Scipion Borghèse fit entrer dans sa collection de nombreuses œuvres à caractère religieux. J’aimerais mentionner un tableau de Véronèse qui m’a particulièrement impressionné : La Prédication de saint Jean-Baptiste. Exposer un tel tableau dans le salon d’une villa, et non plus dans une église, a contribué à changer le regard porté sur le travail des peintres et des sculpteurs. Il ne s’agissait plus — ou plus seulement — de se recueillir, mais aussi d’admirer et de comparer le talent des artistes.
Autre point à noter : Scipion Borghèse s’intéressait à l’art contemporain de son époque, aux artistes émergents. C’était, en quelque sorte, le François Pinault du XVIIe siècle. En les soutenant, il a contribué à faire connaître de grands artistes, comme Le Caravage, déjà mentionné, mais surtout Le Bernin, âgé de 17 ans lorsque le cardinal commença à collaborer avec lui. Scipion Borghèse avait repéré son extraordinaire talent de sculpteur, mais il encouragea également ses travaux d’architecte, notamment pour la papauté, avec des chantiers aussi célèbres que la colonnade de la place Saint-Pierre ou le baldaquin aux colonnes torsadées au-dessus du grand autel de la basilique Saint-Pierre. Le népotisme n’est certes pas un modèle de vertu, mais il a permis la naissance de chefs-d’œuvre.
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