Autonomie de l'individu, matérialisme, oubli de la transcendance.. L'humanisme de la Renaissance est-il à l'origine de nos bonheurs et malheurs modernes ?
Nationalisme, colonisation, traite esclavagiste, européocentrisme mais aussi inquisition, chasse aux sorcières, antisémitisme d'État en Espagne et invention du ghetto en Italie... De tous ces maux, la Renaissance serait à l'origine. De quoi proposer une "Défense et illustration de la Renaissance" (éd. PUF) par Jean-Marie Le Gall et "Une autre histoire de la Renaissance" (éd. Perrin) par Didier Le Fur.
Où commence et où finit la Renaissance ? Après le Moyen Âge ? Comme le remarque Jean-Marie Le Gall, "le Moyen Âge n'a jamais eu conscience d'être le Moyen Âge : c'est la Renaissance qui invente l'idée d'un âge intermédiaire entre une Antiquité qui est morte, définitivement morte, et qu'il faut faire renaître, réinventer, en quelque sorte, et d'autre part le Moyen Âge qui est un âge intermédiaire dont on sait que les hommes de la Renaissance vont le noircir à l'excès". Ainsi, "ce qui fait l'originalité de la Renaissance - et c'est un des fondements de la modernité - c'est que justement c'est l'époque, et notamment le XVIe siècle, où on commence à périodiser l'histoire".
S'il y a une date de la Renaissance que l'on retient, c'est bien 1492 et l'arrivée de Christophe Colomb (1451-1506) en Amérique - officiellement depuis 1992 officiellement on parle de "rencontre" et non plus de "grandes découvertes". Jean-Marie Le Gall rappelle que "l'héroïcisation de Colomb" date du XVIIe siècle et qu'à son époque on était "au temps de la conquête et pas encore de la colonisation".
Après avoir été porté au pinacle au XIXe siècle, Christophe Colomb fait l'objet d'une déconsidération." Jugé "coupable de tous nos malheurs", le navigateur est vu comme fondateur de la domination coloniale. L'historien propose toutefois de "le ramener à sa simple humanité" et de ne pas en faire "le porteur du fantasme de la domination européenne" ni "le responsable de tout y compris de l'Anthropocène".
Dans son ouvrage "Une autre histoire de la Renaissance", Didier Le Fur nous met en garde contre un défaut d'optique. "Quand on structure cette idée de l'homme qui se pense en indépendance et en autonomie", explique-t-il, on commence avec l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte... et on en vient à assimiler cette "notion de Renaissance comme un temps d'éducation". À trop considérer la Renaissance comme une progression ou une construction, on ne voit pas les hésitations, les tâtonnements, les guerres - et notamment les guerres d'Italie qui ont duré 70 ans et qui ont concerné toute l'Europe.
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