Christophe Henning dirige le cahier livres de La Croix, publié chaque jeudi. Aujourd’hui, il nous propose de lire Jacaranda, de Gaël Faye, c’est paru chez Grasset.
Gaël Faye est musicien, chanteur, compositeur... et écrivain. Il s’est fait connaître en littérature en 2016, en écrivant Petit pays qui faisait référence à son pays natal, le Rwanda, et la douleur des massacres, un livre qui a connu un vrai succès, émouvant, bouleversant et limpide. Dans les librairies, Gaël Faye était attendu, et c’est seulement cet automne qui a publié son deuxième livre, Jacaranda. Même choc. Un livre émouvant, un hommage à ceux qui ont survécus, une invitation à regarder la vérité en face. Son premier livre avait décroché le prix Goncourt des lycéens et bien d’autres distinctions, Jacaranda a été couronné par le prix Renaudot il y a dix jours. Le narrateur vit en France, sa mère est rwandaise. En 1994, au moment des massacres, il réalise à peine ce qui se passe là-bas, si ce n’est quand un petit garçon arrive dans cette famille française bien à l’abri : il faut l’accueillir comme un petit frère. Mais à peine quelques semaines plus tard, le voici reparti dans son pays : « Il a disparu de nous vies aussi vite qu’il y était entré. »
Un livre sur le passé mais qui revient aussi à notre époque pour ressentir encore la cicatrice d’un drame vécu il y a trente ans. 1998 : les mêmes se croisent dans le roman. Claude a grandi, il a appris à vivre au Rwanda, en milieu hostile peut-on encore dire tant la haine marque les relations entre hutus et tutsi. C’est une longue histoire d’exil pour la famille du narrateur, Milan : « Quand ma mère avait fui le Rwanda, Mamie était partie de son côté au Burundi pour s’installer dans un quartier de réfugiés rwandais. » Avant de revenir au pays. Que vient faire ce petit Français si ce n’est chercher ses racines ? « On ne vient pas en vacances sur une terre de souffrances, s’entend-il répliquer. Ce pays est empoisonné. On vit avec des tueurs autour de nous et ça nous rend fou. » Pas une famille n’a échappé, pas un survivant qui ne pleure un proche… En 2005, Milan adulte revient encore, et veut comprendre les tentatives de réconciliation : « Permettre aux villageois de participer directement au jugement sur les lieux des massacres, ça me paraît novateur. » Le roman n’échappe pas à la violence : « je n’ai pas eu la force d’assister à d’autres procès. Les récits sont insoutenables, témoigne encore le narrateur. Je comprends maintenant pourquoi on dit qu’un génocide est indicible. »
Faire la différence entre justice et vengeance, quand la violence a été aussi envahissante, c’est un terrible défi. A moins de trouver un chemin de réconciliation : « Bien sûr, c’est une justice imparfaite, mais elle a le mérite de libérer la parole et, surtout, de mettre fin à l’impunité. » Un livre grave pour comprendre le drame du Rwanda et souhaiter que des drames semblables ne se répètent pas. C’est le sens de la littérature qui montre jusqu’où va la folie des hommes. Mais ce livre reste en effet un roman, avec des jeunes qui cherchent comment s’engager dans l’existence. Milan, Claude et Socrate palabrent. Eusébie, est la mère courage du clan, et Stella, l’étoile de l’espoir de cette famille déchirée. L’enfant sait que les arbres ne peuvent s’exiler. Ils sont là, plantés dans la terre des hommes, présents comme un refuge. Comme un symbole.
Jacaranda, de Gaël Faye, est publié aux éditions Grasset.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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