Liège
Curieusement, malgré quelques prestigieuses exceptions comme le plafond de la salle verte du palais des princes-évêques, les décors peints à la chinoise ne se répandirent dans les châteaux et hôtels de maîtres du pays de Liège qu’à partir des années 1760, soit à un moment où la France commençait à s’en lasser. Les grandes toiles avec des motifs chinois, souvent dérivés de gravures françaises, évoquent un univers onirique de fantaisie sans le moindre rapport avec les relations des voyageurs de Chine et sans lien avec les véritables modèles chinois.
Dans le second tiers du XVIIIe siècle, la peinture du pays de Liège est caractérisée par une vague décorative. Le palais des princes-évêques semble avoir constitué le laboratoire de cette déferlante typique de l’âge du rococo. A Liège comme ailleurs, cette peinture décorative destinée à orner les salons des châteaux et des hôtels de maître a fait alors largement appel à des scènes galantes un peu mièvres, souvent dans le genre pastoral. Mais il y eut aussi de nombreuses évocations de l’exotisme à travers ce que l’on a appelé les turqueries ou bien les chinoiseries, qui traduisaient la fascination des Européens de l’époque pour les contrées lointaines : ces décors traduisaient un Orient de rêve bien éloigné de la réalité.
Si les plus anciens décors chinois au pays de Liège remontent au début du siècle (château de Waleffe, hôtel de ville de Liège…) et si Paul-Joseph Delcloche en a donné une version prestigieuse dans la nouvelle chancellerie du palais princier vers 1750, c’est surtout dans les années 1760 à 1790 que ces décors se répandent dans les salons. La plupart sont anonymes, rares sont les noms de peintres connus. Il n’y a guère que l’ensemble des tapisseries décoratives peintes du château de Stevoort qui soit signé ; ce décor a été exécuté en 1769 par le peintre de Liège Martin Aubée, un contemporain et rival de Léonard Defrance.
Plusieurs des décors à la chinoise du pays de Liège ont été attribués à Pierre-Michel de Lovinfosse, le neveu de Delcloche. On lui restitue souvent trois décors chinois assez similaires, ceux du château de Borgharen, de la maison Loumaye à Tihange et de l’hôtel de Sélys au Mont-Saint-Martin à Liège. Les différentes toiles sont inspirées de gravures d’après des motifs de l’ornemaniste français Pillement. De nombreux autres édifices du pays de Liège sont aussi ornés de motifs chinois inspirés de recueils gravés, principalement d’après les maîtres français du rococo comme François Boucher.
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