Le 6 juin 1944, Odette Liron avait 6 ans. Elle vivait dans la ferme familiale à Champcey, près d’Avranches. De ses yeux d’enfant, elle a été témoin des joies et des peines vécues à la Libération.
« Je me souviens du glas. La cloche qui sonne... Rapidement. C’était d’une tristesse. » Odette avait à peine deux ans au moment de la déclaration de guerre en 1939. Pourtant, elle se souvient très bien du bruit des cloches ce jour-là. « J’étais en vacances chez ma marraine, mariée depuis peu. C’était le drame, elle avait peur que son mari parte. Quand ils ont entendu ça, ils se sont serrés dans les bras comme si c’était la dernière fois », raconte Odette avec des trémolos dans la voix. « Cela montre bien que les enfants ressentent tout. C’était l’angoisse dans la famille quand on entendait le glas sonner. »
Je n’ai jamais eu peur des Allemands
Quelque temps plus tard, les Allemands viennent occuper la ferme familiale. Ils avaient installé des tentes sous les pommiers. « Dans ma famille, on n’a jamais rien eu à leur reprocher. On se méfiait quand même, mon père avait été mis en joue par deux fois pour obtenir quelque chose. Moi, je n’ai jamais eu peur des Allemands et nos parents ne nous faisaient pas peur non plus. Il ne disait jamais de mal d’eux, mais leur regard suffisait. Quand un gradé voulait jouer avec moi, je voyais le regard inquiet de maman. »
« Ce sont les Américains qui m’ont fait le plus peur. ». Odette se souvient de leurs avions rasant le sol, passant et repassant et son père sortant un mouchoir pour faire voir aux Américains qu’ils n’étaient pas des ennemis.
Le 7 juin 1944, Avranches est la cible de violents bombardements, destinés à ralentir l’arrivée de renforts allemands en direction des plages du Débarquement. À partir de 14 h 30, des raids aériens américains larguent leurs bombes sur la ville qui devient la proie des flammes. « De Champcey, on voyait le feu et on regardait ça comme un feu d’artifice, nous les enfants, alors que c’était grave ! »
Une fois les Allemands partis, les gens se précipitent à la ferme pour récupérer toutes les victuailles. « Les Allemands ont tout laissé sur place. Moi-même, j’ai appris à taper à la machine avec une machine allemande. » Les Américains, eux, arrivent avec des chocolats, des friandises et des boîtes de chewing-gum. « Ils mangeaient des carottes crues, on ne connaissait pas ça à l’époque, ça nous faisait rire ! »
À la fin de la guerre, les cloches sonnent joyeusement. « C’était la joie, les gens se détendaient enfin. » Mais Odette se souvient aussi du retour des prisonniers, dans un mauvais état, amaigris, complètement changés. « Les gens se sont mis au travail, il y avait tant de choses à faire pour la reconstruction, et pour essayer d’oublier aussi. »
Un jour, devenue adulte, elle découvre dans la nef de la cathédrale de Coutances, le nom des personnes tuées dans le département pendant la guerre. « Quand j’ai vu ça, j’ai compté tous ceux qui venaient d’Avranches, il y en avait 80. Je me suis mise à pleurer. J’ai été témoin de leur mort, j’ai vu le feu sur Avranches. »
« Est-ce que cela s’arrêtera un jour ces guerres ? », demande Odette. « Heureusement, on a eu une belle période, avec l’amitié franco-allemande. » Dans son activité professionnelle, Odette Liron a eu de nombreux clients allemands. « C’étaient des amis, des gens vraiment agréables. »
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