Bon sang ne saurait mentir : fils des réalisateurs Philippe Garrel et Brigitte Sy, Louis Garrel fait ses premiers pas au cinéma à l'âge de cinq ans dans deux films de son père avant de se faire connaître du grand public dans « Innocents : The Dreamers » de Bernardo Bertolucci, en 2003.
Trois ans plus tard, en 2005, il obtient le César du meilleur espoir masculin pour son interprétation de François Dervieux, jeune homme qui tombe follement amoureux en pleine insurrection de Mai 68, dans « Les Amants réguliers », film réalisé par son père.
Au fil des ans, Louis Garrel devient aussi réalisateur et scénariste avec des films tels que « Les deux amis » (2015), « L’homme fidèle » (2028), « La Croisade » (2021) et surtout « L’Innocent », qui lui vaut le César du meilleur scénario original en 2023.
C’est aussi pour présenter l’avant-première de « Saint-Ex » que Louis Garrel est venu à Namur. Dans ce film du cinéaste argentin, Pablo Agüero, Louis Garrel campe un Saint-Exupéry version pilote de l’aéropostale en Argentine et ami à la vie à la mort de Henri Guillaumet (Vincent Cassel), autre pilote de l’Aéropostale, disparu dans la cordillère des Andes et qu’il tente de retrouver coûte que coûte.
Un film tourné sur des simulateurs de vols en studio en France et qui, il faut bien l’avouer, sent un peu fort le carton-pâte.
Rencontre avec ce fils de… du cinéma français, volubile et généreux face au public de Namur. Morceaux choisis.
Saint-Exupéry est un personnage qu’on a tous dans notre imaginaire. Comme tout le monde, j’ai lu « Le Petit Prince ». Son personnage est tellement dans l’inconscient collectif qu’on ne peut pas ne pas l’aimer. L’interpréter au cinéma, c’était comme dans un rêve pour moi.
Mais ici, le défi était grand : un film français avec un réalisateur argentin, ce n’est pas courant. On y parle du pilote d’avion, pas de l’écrivain, pourtant mieux connu. Saint-Ex y apparaît tout autant manuel qu’intellectuel. Et on y parle plus de son amitié avec Guillaumet que de lui-même : ça fait beaucoup !
J’ai redécouvert ses écrits et surtout ses carnets de vol. On sait que Saint-Ex a été abattu à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans un avion de reconnaissance. Il ne voulait pas rester les bras croisés, mais ne souhaitait pas pour autant faire la guerre. C’est pourquoi il a piloté un avion de reconnaissance et pas un avion de guerre.
Un pilote allemand s’est vanté de l’avoir abattu au-dessus de la Méditerranée. Et on a effectivement retrouvé sa gourmette près de Marseille. Ce qu’on ignore, c’est que son écrit « Le Petit Prince » est sorti après la guerre, et donc après sa mort : il l’avait écrit avant et n’a donc pas vécu le succès que son livre a connu !
J’ai la phobie de l’avion. Rien que pour venir par un vol Paris – Bruxelles, je ne vous raconte pas ma trouille ! Saint-Ex a connu neuf accidents d’avion, de tout petits avions. Il s’en est tiré à chaque fois. C’est vous dire à quel point son histoire réelle est hors du commun.
J’ai suivi les cours du Conservatoire National de Paris. Là, on nous a fait découvrir le travail d’un clown : l’idée était qu’on devait trouver son clown : un clown candide, un clown agressif. À partir de là, c’est enfantin de jouer ! À l’inverse, un acteur adulte, c’est monstrueux !
J’essaie toujours d’être à la fois moi et mon personnage. Au théâtre, les deux se mélangent sur scène. C’est moins le cas au cinéma. Prenez Garry Oldman quand il joue Churchill dans « Les heures sombres » de Joe Wright : il y a quelque chose de fou qui se crée.
Jean-Pierre Léaud est mon parrain. J’ai une fascination pour la Nouvelle Vague. Un jour, je discutais avec lui du style qu’il avait réussi à imposer, un style qui n’appartient qu’à lui et auquel il ne déroge jamais. Il avance toujours à son rythme à lui, vous ne lui en imposerez jamais un autre. C’est un peu comme Michel Simon : ils ont une telle nature. Truffaut disait de Léaud : « C’est un acteur magique ».
J’ai toujours voulu passer à la réalisation. Le réalisateur, c’est le troisième œil comme on dit au théâtre. C’est celui qui regarde ce que les autres font puis fait ses commentaires. J’ai toujours eu en moi cette envie de discuter avec les comédiens. Être à la fois devant et derrière la caméra, c’est plus compliqué, car on perd alors ce recul pour observer l’ensemble.
Quand on écrit, on ne contrôle rien, en fait : j’avais l’idée d’écrire un polar. Pas très Nouvelle Vague ça, mais bon ! Et en fin de compte, j’ai écrit une comédie !
Arrive Anouk Grinberg : elle a lu le scénario et le rôle de ma mère que je lui proposais. Elle l’a trouvé tellement beau, et sa relation avec Rochdy Zen tellement belle, qu’elle a tout de suite accepté. J’avais peur qu’elle soit un peu frêle et qu’elle se fasse bouffer par Rochdy. Mais non, tout c’est magnifiquement bien passé.
Noémie Merlant (aujourd’hui à l'écran dans le rôle de « Emmanuelle ») joue dans « L’Innocent », le rôle de Clémence. J’ai écrit son personnage en pensant à elle alors qu’elle n’avait jusque-là eu que des rôles assez austères. Après un premier essai pas terrible, j’ai fantasmé son personnage et lui ai dit qu’elle pouvait le jouer en criant très fort, que c’était mon regard sur elle, que j’étais certain qu’elle pouvait le faire, que j’avais confiance. Je l’ai poussée dans ce sens et je l’ai vue comme je l’avais rêvée, plus loufoque, plus burlesque.
Souvent, on dénigre la variété comme si c’était forcément ringard. Mais non, moi, j’aime la variété, je n’ai pas peur de le dire. Quand je place « Pour le plaisir » d’Herbert Léonard dans la bande son de mon film, on me dit que c’est ringard. Mais lors d’une avant-première du film, j’étais resté à l’arrière de la salle pour observer les spectateurs. Et les ai entendus chantonner et vus bouger sur les fauteuils au rythme de la chanson : voilà, j’avais eu raison d’insérer cette variété.
J’ai joué en italien et j’ai adoré ça. J’ai eu l’impression de ne plus avoir la même identité. Et je me suis mis à parler avec les mains ! Orson Wells disait des Italiens que c’était un peuple d’acteurs. L’anglais ? J’avais envie, mais mon anglais est tellement mauvais. Alors, on me balançait des sons dans des écouteurs pour me donner le tempo et l’intonation : pas évident.
Prenez « L’éclipse » de Michelangelo Antonioni (1962), c’est un chef-d'œuvre, ce couple d’Alain Delon et Monica Vitti, ce sont deux énormes personnalités, un mélange de tragédie et d’ironie comme les Italiens savent si bien le concevoir. Un chef-d'œuvre !
Quand je sors une phrase en public, comme ici aujourd’hui devant vous, que je la trouve drôle, mais que personne ne rit, j’ai comme l’impression d’avoir loupé le coche (Le public rit, ouf !).
Quand un spectateur me demande quel sera mon prochain film comme réalisateur (ce qu’un spectateur lui a demandé !), ça me fout un trac pas possible, la peur de décevoir !
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