Cette semaine, Guillaume Goubert revient tout juste de l'exposition opposant les œuvres d'Alberto Giacometti et Giorgio Morandi, une exposition qui l'a charmé.
Voilà le genre de visite que j’affectionne ! Un lieu tranquille qui n’attire pas les foules. Une expo pas très vaste, ce qui permet de tout admirer avant d’avoir le regard fatigué. Et un sujet original, inattendu. Il s’agit de l’exposition confrontant les œuvres d’Alberto Giacometti et de Giorgio Morandi que l’on peut voir en ce moment à Paris à l’Institut Giacometti. Il est installé près du cimetière du Montparnasse dans un hôtel particulier très charmant, dont le décor mélange les styles Art Nouveau et Art Déco.
Eh bien non, pas du tout ! Souvent, de telles expos en duo servent à observer comment deux artistes ont pu s’influencer l’un l’autre. Or Alberto Giacometti et Giorgio Morandi ne se connaissaient pas et rien n’indique qu’ils se soient intéressés au travail de l’autre, même de loin. C’est d’ailleurs étonnant car ils sont à peu près de la même génération. Morandi a vécu de 1890 à 1964. Giacometti de 1901 à 1966. Et ils avaient des origines géographiques assez proches. Morandi est né à Bologne au nord de l’Italie. Giacometti au sud de la Suisse, dans un village italophone. Il est vrai que les deux hommes ont choisi des voies artistiques très distinctes. Morandi était peintre et se consacrait inlassablement à des natures mortes. Giacometti est connu avant tout comme sculpteur dont la passion était de représenter la figure humaine.
Ils ont plusieurs caractéristiques importantes en commun. Observons d’abord qu’ils ont travaillé à une époque où il fallait choisir son camp. On était soit figuratif, soit abstrait. Et la modernité était du côté de l’abstraction. L’un et l’autre se sont tenus à l‘écart de ce débat. Ils n’ont pas fait le choix de l’abstraction. Mais ils ont pris beaucoup de liberté dans la manière de figurer la réalité. Ainsi les silhouettes humaines démesurément allongées que sculptait Giacometti. Autre point commun, la pratique de l’atelier. Ils avaient tous deux une sorte de tanière où ils se réfugiaient pour travailler. Pour Giacometti, un très petit local dans le 14e arrondissement de Paris. Pour Morandi, une chambre de l’appartement familial à Bologne où il vivait avec sa mère et ses sœurs. C’est dans cette pièce qu’il agençait sur une table des boîtes, des flacons, des bols qu’il peignait ensuite avec grand soin dans des couleurs atténuées.
Enfin, Morandi et Giacometti ont été fidèles toute leur vie à une seule et même recherche qu’ils ont menée avec une persévérance émouvante. Le silence des objets pour Morandi, l’humanité des visages et des corps pour Giacometti. Ces deux recherches cohabitent de très belle manière dans l’exposition de l’Institut Giacometti. Cet institut qui gère la succession de l’artiste a sorti de très belles pièces de ses réserves tandis que la plupart des œuvres de Morandi ont été prêtées par le musée qui porte son nom à Bologne.
Morandi était un homme taciturne qui ne s’exprimait pas beaucoup sinon par son pinceau. Giacometti était davantage un homme de mots. Il a eu un jour cette formule magnifique : « Je cherche en tâtonnant à attraper dans le vide, le fil blanc du merveilleux. » Je crois que cette phrase, Giorgio Morandi aurait pu lui aussi la prononcer.
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !