Aujourd’hui, Guillaume Goubert nous emmène au théâtre, ou plus précisément à la découverte d’un artiste dont l’œuvre s’est développée à partir de décors de scène. Cet artiste s’appelle Richard Peduzzi, et une très belle exposition, actuellement visible à Paris, retrace plus d’un demi-siècle de son travail. Âgé de 82 ans, Peduzzi a créé non seulement des décors de théâtre, mais aussi des dessins, des peintures, des architectures et des meubles.
L’exposition se tient au Mobilier national, une institution publique dont l’origine remonte au XVIIe siècle. Sa mission est de gérer le mobilier des bâtiments officiels de la République française : des meubles anciens mais aussi des créations contemporaines. Richard Peduzzi collabore avec le Mobilier national depuis la fin des années 1980.
Il m’est arrivé autrefois d’aller au théâtre sans me soucier de la pièce, du metteur en scène ou des acteurs. Ce que je voulais voir avant tout, c’étaient les décors conçus par Richard Peduzzi. J’en avais aperçu des photos dans la presse, et ils me fascinaient par la manière dont ils structuraient la scène. C’est ainsi que j’ai vu, entre autres, La Dispute de Marivaux, mise en scène par Patrice Chéreau. Une soirée inoubliable.
Richard Peduzzi et Patrice Chéreau n’ont cessé de travailler ensemble jusqu’au décès du metteur en scène en 2013. Une extraordinaire complicité s’était développée entre eux, les idées de l’un nourrissant celles de l’autre, au point qu’il est parfois impossible de démêler leurs contributions respectives. Leur travail a culminé avec la Tétralogie de Wagner au festival de Bayreuth, dont la mise en scène fut copieusement sifflée lors de la première en 1976, mais acclamée lors de la dernière, où les ovations ont duré plus d’une heure. L’exposition au Mobilier national présente de magnifiques maquettes de ces décors ainsi que leurs dessins préparatoires, souvent réalisés à l’aquarelle et au pastel.
Pour la scénographie d’une pièce de Shakespeare en 1988, Peduzzi ne trouvait pas la chaise qui lui convenait, alors il l’a dessinée lui-même. C’est à cette époque qu’il a commencé à collaborer avec les artisans du Mobilier national, notamment pour la création d’un spectaculaire rocking-chair, une simple lame de bois en forme de "S". Il a été de plus en plus sollicité pour des projets d’architecture intérieure, comme la bibliothèque de l’Opéra de Paris ou un banc pour les salles du Grand Louvre. De 1990 à 2002, il a dirigé l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris, puis, de 2002 à 2008, la Villa Médicis à Rome, où il a mené un travail de rénovation remarquable. Personne n’avait osé s’y attaquer depuis le départ du peintre Balthus, directeur de la Villa de 1961 à 1977.
L’exposition présente notamment une étonnante chaise-écritoire conçue pour un lieu voisin de la Villa, le couvent de la Trinité-des-Monts. Ce qui fascine dans le travail de Richard Peduzzi, c’est à la fois son évidente simplicité et les passerelles qu’il établit entre plusieurs univers. Ses meubles, par exemple, adoptent souvent les couleurs du manteau d’Arlequin, figure théâtrale emblématique. Selon ses propres mots, cet homme se situe "à la croisée des chemins entre la peinture, l’architecture, la lumière et la poésie."
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