Aujourd'hui Guillaume Goubert évoque l'art textile, un art contemporain trop souvent peu considéré. En ce moment se tient à Paris une exposition où l'on peut admirer les œuvres d'Olga de Amaral, l'occasion de découvrir cet art de laine, coton et crins de chevaux.
C’est un domaine de l’art contemporain qui est relativement peu considéré. Il s’agit d’œuvres d’art créées avec des matières textiles comme la laine, le coton, le lin, ou la soie. Mais pas seulement. Les créateurs utilisent aussi le crin de cheval, les fibres plastiques ou métalliques. Les anglophones d’ailleurs ne disent pas « art textile » mais « fiber art », l’art de la fibre.
On peut avancer deux explications pour la méconnaissance de cette forme d'art. La première est que cet art est héritier du tissage. Il a donc longtemps été rangé du côté de l’artisanat. Seconde raison, cette activité est depuis toujours pratiquée par les femmes et donc regardée de haut par un monde de l’art jusqu’à une date récente très macho. Prenons l‘exemple du Bauhaus, cette école de design et d’architecture qui symbolise l’avant-garde dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres. Les femmes y sont admises mais sont systématiquement dirigées vers l’atelier consacré au textile, laissant aux hommes les modes d’expression réputés plus nobles.
Lui est célèbre depuis longtemps pour ses tableaux emboîtant des carrés dans une infinité de couleurs. Le travail textile d’Anni Albers lui, n’a été découvert et célébré que récemment. Heureusement, l’esprit du temps évolue et de grands artistes textiles sont aujourd’hui reconnus. Et les plus célèbres sont des femmes comme Sheila Hicks, Faith Ringgold, Simone Prouvé ou Olga de Amaral.
Olga de Amaral est d'ailleurs exposée en ce moment à Paris. Cela se passe tout près du studio où nous nous trouvons, boulevard Raspail, à la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Ce sera d’ailleurs la dernière expo en ce lieu, la Fondation Cartier devant prochainement déménager près du Louvre. Les vastes espaces du bâtiment de Jean Nouvel sont parfaits pour les œuvres d’Olga de Amaral dont certaines sont à proprement parler monumentales. Je pense en particulier à un panneau en laine et crin de cheval intitulé Mur rouge. Il mesure 7 mètres par 8,30 ! Olga de Amaral est colombienne. Elle a aujourd’hui 92 ans. Depuis les années 1950, elle développe une œuvre où se mêlent l’esprit moderniste du Bauhaus dont je parlais tout à l’heure et l’héritage de l’art précolombien. Petit à petit, son travail s’est rapproché de la sculpture avec l’utilisation de deux matières, le gesso, un enduit blanc qui rigidifie le textile, et la feuille d’or qui illumine son travail, évoquant à la fois les églises baroques de Bogota, sa ville natale et l’orfèvrerie des peuples premiers de Colombie.
Parmi les plus belles choses exposées à la fondation Cartier, il y a les brumas. Ce sont des sortes de nuages constitués de milliers de fils de coton enduits de gesso et teintés de chaudes couleurs. Suspendus en hauteur, ces fils tombent comme une pluie fine, laissant apparaître des motifs géométriques. Cela a quelque chose de magique. J’ai appris à cette exposition que les mots « texte » et « textile » partagent la même racine étymologique, le latin texere qui signifie à la fois tisser et raconter. Ce que nous raconte Olga de Amaral est captivant.
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