Son amour de la poésie et de la plus haute littérature vont manquer aux lecteurs en quête d'intégrité et d'exigence. Patrick Kéchichian, journaliste et critique littéraire, est mort le 18 octobre 2022. Converti au catholicisme, il était passionné par la littérature française de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, en particulier par l'œuvre de Péguy, Bernanos, Claudel. Pour lui rendre hommage, RCF vous propose de réentendre l'entretien qu'il avait accordé à Monserrata Vidal en 2016, à l'occasion de la sortie de "Dieu, un personnage de roman ?" (éd. Lumen Vitae).
Bien connu des catholiques, le journaliste, critique littéraire et écrivain Patrick Kéchichian est mort le 18 octobre dernier, à l’âge de 71 ans. C’était un autodidacte, il était entré au Monde à l’âge de 18 ans, en février 1970, pour ensuite gravir les échelons jusqu’à devenir rédacteur en chef adjoint. Issu d’une famille arménienne ayant fui le génocide, il venait d’un milieu simple et avait quitté l’école en classe de première.
Salué pour son immense culture, aussi bien que pour son humilité, il s’était converti au catholicisme dans sa trentaine. Patrick Kéchichian a collaboré à La Croix, aux revues Croire ou Les Temps Modernes. Il a notamment écrit un "Petite éloge du catholicisme" (éd. Folio, 2009) et l’ouvrage "Saint Paul, le génie du christianisme" (éd. Points, 2012). Grand lecteur de Charles Péguy, Bernanos, Claudel, Léon Bloy ou Ernest Hello, il était particulièrement attaché à la littérature du milieu du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Il ne dédaignait pas pour autant l’œuvre des contemporains, comme celle d’un Pierre Michon, auteur en 1984 des "Vies minuscules".
La littérature, parce qu’elle éveille un imaginaire, est-elle le lieu idéal pour parler de Dieu ? En 2014 s’est tenu à l’université catholique de Louvain, un cycle de trois conférences sur le thème : "Dieu, un personnage de roman ?". (La deuxième de ces trois conférences, intitulée "L’énigme de la littérature catholique en France, de la seconde moitié du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle" a fait l’objet d’un ouvrage aux éditions Lumen Vitae en 2016, coécrit par Patrick Kéchichian.)
Le prêtre et théologien belge amoureux de la littérature Adolphe Gesché (1928-2003) faisait une analogie entre la découverte romanesque et la révélation. Il parlait du roman comme d’une "visitation", une "rencontre avec quelque chose d’inattendu soudain révélé". Ce à quoi Patrick Kéchichian s’opposait : "Mon point de vue est complètement différent, je me méfierais de cette métaphore qui ferait de l’expérience romanesque une expérience mystique."
Mystique et fiction romanesque "n’ont pas la même fonction", disait Patrick Kéchichian. "La mystique est toute entière centrée sur le rapport à Dieu, sur l’explicitation de ce rapport, sur l’approfondissement de ce rapport, sur l’exaltation de ce rapport." De ce point de vue, "le roman est une forme un petit peu marginale". Toutefois, "elle peut rejoindre un centre", disait Patrick Kéchichian. À ce titre, "l’œuvre d’un Bernanos évidemment exprime cette proximité".
Au sujet de Bernanos, "le plus grand romancier de la période moderne du roman chrétien catholique", Patrick Kéchichian parlait de son rapport à Dieu assez net. "Par le roman, par les personnages qu’il crée, par le rapport qu’il entretien avec ses personnages, il montre un rapport à Dieu, il montre une présence de Dieu – pas du tout rassurante d’ailleurs, ce n’est pas des ouvrages hagiographiques, nous ne sommes pas dans l’éloge de Dieu mais dans le rapport parfois tragique, très inquiet à Dieu."
Qu’est-ce donc qu’un écrivain catholique ? "La question, il faut se la poser même si on ne peut pas y répondre !" répondait Patrick Kéchichian. "Être écrivain, c’est une inspiration propre, disait-il, une inspiration liée à sa propre existence : le catholicisme est une référence précise, dogmatique, bien déterminée, donc l’association des deux ne se fait pas toujours simplement."
Entre Péguy, Claudel et Bernanos, "Claudel était le plus respectueux - comme tout converti, j’en sais quelque chose - de l’Église et de ce qu’elle représentait : les deux autres pouvaient avoir quelques critiques à l’égard de cette autorité". Quoi qu’il en soit, les trois écrivains n’ont "pas du tout le même rapport avec leur appartenance à la foi catholique". Au sujet de la mise en roman de la foi ou de la révélation il y a eu une querelle entre Jacques Maritain et Mauriac, racontait le critique littéraire mais "la question n’est pas résolue".
Si on prend l’exemple de Sylvie Germain, "je ne crois pas qu’elle affirmerait qu’elle est un écrivain catholique, et pourtant elle a la foi". D’un autre côté, "il y a effectivement pour certains romanciers, y compris des romanciers qui ne se réclament pas directement du Christ - une expérience profonde. Je pense à des gens comme Pierre Michon, le rapport avec le sacré est une chose absolument profonde."
Mieux comprendre le monde, dans lequel nous sommes invités à vivre en chrétiens, grâce aux travaux des historiens, des sociologues et des artistes ainsi qu’à travers la réflexion philosophique. C'est ce que vous proposent Monserrata Vidal et Sarah Brunel.
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