C'est le roman dont tout le monde parle en ce début d'année. Christophe Henning a lu pour nous "Anéantir", le dernier ouvrage de Michel Houellebecq.
C’est le livre événement de cette rentrée d’hiver 2022, et tout a été fait pour faire du buzz. D’abord, un livre de Houellebecq, c’est déjà quelque chose. Ensuite, c’est dans le plus grand secret que le livre a été préparé, c’est sous le sceau de n’en point parler avant le 30 décembre que quelques journalistes triés sur le volet ont pu livre le livre en avant-première, alors même que l’auteur ne donnera aucune interview.
C’est encore un roman époustouflant qui débarque dans les librairies demain seulement, avec un premier tirage faramineux de quelque 300.000 exemplaires. Comment ne pas en parler ? Dire encore que le livre objet est particulièrement soigné, selon les désidératas de l’auteur lui-même, papier, couverture cartonnée blanche, signet rouge vif... Vous l’avez compris, tout est réuni pour faire parler.
Les fans de Houellebecq crient au génie, d’autres boudent un auteur considéré comme sulfureux… Sans doute faut-il raison garder : c’est un bon roman, dont on perd parfois le fil au gré des quelque 700 pages, une plume claire, subtile, espiègle pour décrire la société d’aujourd’hui avec des personnages bien campés, attachants. Un livre très documenté et mâtiné d’humour.
En sept chapitres, Houellebecq décrit notre société pour mieux en percer les errements : "On a beau mépriser, et même haïr, sa génération et son époque, on y appartient qu’on le veuille ou non". Il a a délaissé la caricature des extrêmes pour décrire la France de 2027, en pleine campagne électorale – tiens, tiens – alors que chacun tente de sortir de la morosité ambiante. On ne parle plus d’épidémie, mais le ministre des finances se prénomme Bruno, des cyberattaques inquiètent les services secrets…
Des longs couloirs de Bercy à la Bourgogne préservée, le roman ouvre des fenêtres sur plusieurs histoires qu’on finit par perdre en route, comme des connaissances qui s’éloignent dont on n’a plus de nouvelles : "Les gens sont soumis à leur destin dans l’ensemble", écrit Houellebecq, alors que Paul, le héros de l’histoire, "ne supporte pas l’idée qu’une chose, quelle qu’elle soit, se termine ; ce qu’il ne supporte pas, ce n’est rien d’autre qu’une des conditions essentielles de la vie." S’effacer, disparaître, anéantir… "On n’arrive jamais à imaginer à quel point c’est peu de chose, en général, la vie des gens". C’est quand même du Houellebecq.
Il y a bien sûr du sexe, du fondamentalisme religieux, de terrorisme, mais en toile de fond. En fait, ce huitième roman de Houellebecq est empreint de tendresse, d’illusions familiales, de petits arrangements avec la vie, la maladie et la mort qui est au cœur du roman.
Autour de Paul Raison, conseiller du ministre, les personnages sont fragiles, ce sont leurs failles qui intéressent Houellebecq : "C’était probablement mauvais signe d’avoir envie, comme ça, de se replonger dans ses années de jeunesse, c’est probablement ce qui arrive à ceux qui commencent à comprendre qu’ils ont raté leur vie". Finalement, l’histoire se déroule et chacun se dépouille des oripeaux de la vie sociale pour être confronté à sa finitude. Il est question de science médicale, de défis éthiques, de fin de vie. Faut-il espérer ou accepter la fin de l’histoire ?
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