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Roger Sue: "Le lien social ne se délite pas, il se recompose"

Un article rédigé par Béatrice Soltner - RCF,  - Modifié le 17 juillet 2023
La crise des institutions traditionnelles n'est pas le fait d'un individualisme exacerbé. Roger Sue observe plutôt une recomposition "à la base" du lien social. Il répond à Béatrice Soltner.
Roger SueRoger Sue

Les mutations de notre société peuvent inquiéter, réveiller les nostalgiques ou encourager les rêves les plus fous, elles ont bel et bien lieu. Pour Roger Sue, les liens ne se délitent pas, ils restent puissants et surtout, "ils se recomposent". Une tendance de fond puissante et à l'œuvre qu'il analyse dans "La contresociété" (éd. Les Liens qui Libèrent).
 

"Les transformations du lien social expliquent les plus grandes mutations de l'Histoire."

 

l'associativité, matrice de notre société de demain

Observateur du lien social, Roger Sue analyse la façon dont les hommes et les femmes organisent leur relations - amicales, familiales, professionnelles, etc. Les tissus relationnels, tout aussi denses que complexes et foisonnants, constituen pour le sociologue la matrice de notre société. C'est là que se dessinent des tendances de fond qui peu à peu transforment la société tout entière. "Les transformations du lien social expliquent les plus grandes mutations de l'Histoire." Selon lui, le lien social est "ce qui conditionne" les activités, économiques et politiques.

On dit du lien social qu'il se délite: il n'en n'est rien, "il se recompose". Roger Sue a forgé le concept d'"associativité" à partir de l'observation de quatre phénomènes dont la combinaison actuelle est inédite: le primat de l'individualité, la singularité, l'égalité et l'altérité. Ce qu'il entend par "associativité" est un mouvement, quelque chose en train de se passer et qui pourrait passer pour microscopique tant il se joue dans le quotidien de chacun. Un phénomène de masse qui cependant n'est pas sans créer de problèmes.
 

en haut de la pyramide, Les institutions à la traîne

Il y a "une vraie opposition" entre les institutions traditionnelles - l'entreprise, les partis politiques, les grands organismes, les hôpitaux... - et les liens qui se construisent en famille, entre amis, "à la base". Un certain nombre d'entreprises, par exemple, comprennent qu'elles ne peuvent plus continuer à fonctionner sur le mode de la verticalité. Cela ne peut se faire "quand on demande aux travailleurs non plus d'exécuter une tâche mais d'apporter quelque chose de leur personne, de leurs compétences, de leur engagement, de son intelligence..." L'individualité exaltée par l'égalité et l'expression de soi ne peut accepter l'écrasement pyramidal. La cause vraisemblable de ces très nombreux burn out.

"Pour être individu, il faut être en relation permanente."

 

L'individu relationnel

"Opposer individualité et société est un contresens." De nombreuses études ont montré que les individus les plus connectés sont ceux qui développent le plus de liens réels. "Pour être individu il faut être en relation permanente." Les jeunes  générations n'attendent pas d'être diplômées pour nous le démontrer et acquérir des expériences de terrain. Le service civique plébiscité en est un exemple, on apprend désormais bien plus de la relation à l'autre que dans les livres.

D'où une transformation radicale du rapport au savoir. Et à l'heure de Wikipédia le glas du règne des experts a sonné. Roger Sue, qui place le fruit de ses observations dans le champ économique, va très loin en parlant d'une "économie relationnelle extrêmement forte". "Aujourd'hui le travail est un travail sur l'humain". Le sociologue évoque par ailleurs l'émergence de la robotique et tout ce que les robots "feront mieux que les travailleurs des XIXè et XXè siècles." Les relations humaines, voilà un champ que les androïdes ne nous prendront pas.

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