"Fin du monde contre fin du mois" : depuis son apparition dans la bouche d'un "gilet jaune", l'expression a fait florès. Et exprime bien le coût que représente pour les ménages la lutte contre le réchauffement climatique, alors que l'inflation n'en finit plus de grimper. Dans ce contexte, l'orientation des politiques publiques est décisive.
Comment l'État doit-il s'y prendre pour favoriser la neutralité carbone? C'est tout l'objet d'un rapport qui doit être remis ce lundi par France Stratégie, un organe rattaché à Matignon. A ce sujet, le projet de loi "industrie verte" présenté la semaine dernière par le gouvernement vise notamment à soutenir fiscalement les filières énergétiques d'avenir. "L'industrie et le secteur de l'électricité ont bien avancé dans la décarbonation, en particulier en France grâce à notre nucléaire", juge Christian Gollier, économiste de l'environnement.
Les deux points noirs, en France et en Europe, c'est les transports et le résidentiel, où l'on a continué à accroître les émissions de CO2 ces vingt dernières années, alors que dans l'industrie et et l'électricité, on a baissé
Mardi 16 mai, la loi d'accélération du nucléaire a définitivement été adoptée par le Parlement. "Les deux points noirs, en France et en Europe, c'est les transports et le résidentiel, où l'on a continué à accroître les émissions de CO2 ces vingt dernières années, alors que dans l'industrie et et l'électricité, on a baissé", précise le directeur général de la Toulouse School of Economics (TSE).
"Il y a dans notre pays un vrai consensus quant à notre responsabilité dans le réchauffement climatique et envers les générations futures", estime l'économiste. Des divergences profondes subsistent selon lui, en revanche, quant à la façon de les affronter. "Vous avez des mouvements très extrémistes, de type décroissantistes, pose d'une part Christian Gollier. Et en même temps, des gens disant qu'il n'y a rien à faire que de laisser les technologies se développer, de sorte que dans cinq ou dix ans, on ait des solutions gratuites pour décarboner nos économies sans demander quelque effort que ce soit aux ménages".
Si l'Etat a indéniablement un rôle d'incitation et d'accompagnement financier à jouer, l'argent n'est pas l'unique nerf de la guerre pour le climat. Les comportements individuels doivent également contribuer à l'effort. "Pour atteindre les objectifs de réduction de 55% des émissions en 2030 par rapport à 1990 (objectif fixé par l'Union européenne en 2021, ndlr), et de zéro émission nette en 2050, on va aussi devoir faire des efforts de sobriété", prédit Christian Gollier, qui explique comment les Français devront s'adapter. "Utiliser les transports en commun plutôt que sa voiture, c'est mettre plus de temps à atteindre son lieu de travail ; ne plus prendre l'avion pour partir en vacances, ça veut dire des vacances plus proches". Une chose est certaine : "il y a des choses qui vont nous gêner".
Certes, la France et l'Europe ont réduit leur émissions de carbone en trente ans. Reste que, sur cette période, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté. "On émet aujourd'hui, dans le monde, 50% plus de CO2 qu'on n'en émettait en 1990", assure l'économiste. C'est que l'épicentre industriel s'est déplacé vers l'Asie. "La Chine est sortie d'une pauvreté épouvantable et que la prospérité engendre le CO2, or on n'est pas encore parvenu au niveau mondial à découpler la prospérité de l'émission de CO2", éclaircit l'économiste. Publié en mars, le sixième rapport de synthèse du GIEC pointait l'impossibilité, à ce rythme, de maintenir le réchauffement sous les 1,5 degrés par rapport à l'ère pré-industrielle. C'était pourtant l'objectif approuvé par près de lors de la COP21 à Paris, en 2015. "C'est difficile, dans un monde où 190 pays se font concurrence, d'aligner l'intérêt de chacun avec l'intérêt général", admet Christian Gollier.
Christian Gollier, Entre fin de mois et fin du monde : économie de nos responsabilités envers l'humanité, Fayard, 2022, 12 euros
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