Normandie
Emballages, plastiques usagés, produits phytosanitaires, l’activité agricole génère des déchets. Depuis plusieurs années, la filière s’est organisée pour collecter et recycler les déchets. Illustration dans la Manche.
Bidons, ficelles, bâches, big bags... Comme toute activité, l’agriculture génère des déchets. L’incinération, le dépôt sauvage et l’enfouissement sont interdits, tout comme l’utilisation du circuit des déchets ménagers. C’est pourquoi depuis une trentaine d’années, le secteur agricole s’est organisé pour mettre en place des filières d’élimination et recycler les déchets. Dans la Manche, des collectes ont été mises en place dès 1994 à l’initiative de collectifs d’agriculteurs. En 2001, un éco-organisme interprofessionnel nommé Adivalor a vu le jour en France, pour organiser la collecte et la valorisation des déchets d’agro-fournitures. En 2023, Adivalor a collecté 97 000 tonnes de déchets agricoles en France.
Le tri commence dans les fermes. Les agriculteurs doivent trier leurs poubelles, déchets par déchets. Rien que pour le plastique collecté par Adivalor, il existe 10 types de déchets différents. Ensuite, les exploitants apportent leurs détritus dans les coopératives ou chez les négociants. Il existe 317 points de collecte en Normandie, dont 78 dans la Manche. Chaque année, les acteurs de la filière, coopérateurs, négociants, représentants d’Adivalor se retrouvent à la Chambre d’Agriculture pour fixer un calendrier des collectes. « Avant, on récupérait les déchets toute l’année, mais on s’est aperçu que Terdici devenait une poubelle, c’est pour cela qu’on a fixé des semaines de collecte », explique Sophie Perier, responsable des déchets pour la société Terdici, une entreprise spécialisée dans la nutrition animale et la production végétale. Les agriculteurs doivent rapporter leurs déchets triés, mais aussi nettoyés et pliés comme il se doit. Les sacs tachés, les bâches mal pliées ne sont donc pas acceptés. En échange, les exploitants reçoivent un reçu qu’ils devront présenter lors des contrôles PAC. « Je trouve qu’il y a une amélioration, il y a de plus en plus d’agriculteurs qui apportent leurs déchets », constate Sophie Perier.
Il y a de plus en plus d’agriculteurs qui apportent leurs déchets
Ce tri à la source demande, de la part des exploitants, de la bonne volonté, une certaine organisation et de la place pour stocker en attendant les collectes. Henri Legard, agriculteur dans le sud-Manche, s’est soucié des déchets plastiques dès le début de sa carrière. Il préconise de trier les déchets au fur et à mesure, pour ne pas perdre de temps, et admet que cela demande une bonne organisation. « Aujourd’hui, la grande force de la filière, c’est le tri à la source et la préparation des déchets. Sans cela, on aurait beaucoup de mal à trier les déchets agricoles », assure Aubert Baumard, conseiller collecte de la zone Nord Ouest pour Adivalor.
Une fois les déchets rapportés dans les coopératives ou chez les négociants, Adivalor organise le transport vers les plateformes de traitement. Un système financé par une écotaxe. « Chaque fois qu’un agriculteur achète un produit neuf, il paye quelques centimes ou quelques euros de contribution pour financer Adivalor », explique Aubert Baumard. Aujourd’hui, l’éco-organisme, conventionné par l’État jusqu’en 2029, prend en charge une grande partie des déchets agricoles : bidons des produits phytopharmaceutiques, bâches d’élevage et de maraîchage, filets, ficelles, big bags, sceaux... Sur tous les produits gérés par Adivalor, 80 % sont collectés. Mais le taux de collecte varie selon les produits. Ainsi, les déchets les moins encombrants et plus facilement éliminables sont moins rapportés. Les big bags usagers sont ainsi collectés à 96 %, tandis que les ficelles et filets affichent un taux de collecte de 53 %.
Une fois les déchets récupérés chez les négociants et coopérateurs, Adivalor les achemine vers des plateformes de prétraitement, comme à la Trinité-des-Laitiers dans l’Orne. Ces plateformes vont compresser les déchets, les mettre en balle pour les envoyer dans des entreprises de recyclage. On compte deux nouvelles usines en Normandie, Recyouest à Argentan qui traite les filets servant aux balles rondes, et Novus dans l’Eure qui recycle les big bags. Aujourd’hui, seule la moitié de ces déchets peut être recyclée en France. « L’objectif pour Adivalor est de passer à 80 % d’ici 2030. C’est pourquoi on favorise la création d’unités de recyclage en France », assure Aubert Baumard. Actuellement, 90 % des déchets collectés par Adivalor sont recyclés. Ainsi, les films plastiques sont transformés en sacs-poubelles, les filets peuvent redevenir des filets, les bidons phytosanitaires servent à fabriquer des gaines enterrées, et les big bags sont transformés en cagettes bleues. Pour autant, la filière agricole n’a pas trouvé de solutions optimales pour certains types de déchets. C’est le cas des pneus utilisés pour les silos d’ensilage ou des produits dangereux.
Si la filière du recyclage fonctionne plutôt bien, l’enjeu est de produire moins de déchets, selon Samuel Richard, agriculteur près de Tessy-Bocage. « Nous, agriculteurs, on produit du fourrage, c’est naturel. Tous les déchets qu’on a à recycler, c’est ce qu’on a acheté. » Samuel Richard évite, par exemple, au maximum l’enrubannage. « Une bâche à silo, qui pèse 40 kilos, stock 1500 tonnes de fourrage, alors qu’une botte d’enrubannage de 500 kilos nécessite 3 kilos de plastique. » Pour Samuel Richard, cette gestion des déchets repose avant tout sur le volontariat des agriculteurs, d’où la nécessité de sensibiliser les nouvelles générations à trier et à limiter la production de déchets.
Chaque mois, une émission depuis une ferme de la Manche pour expliquer les enjeux de l’agriculture aujourd’hui et les solutions mises en place. Une émission réalisée en partenariat avec le CRDA de la Manche, Comité Régional de Développement Agricole.
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