En 2028, un projet de mine de lithium devrait voir le jour dans l’Allier, sur lequel le débat public s’est ouvert le 12 mars dernier dans un climat tendu. C’est l’occasion d’évoquer notre rapport aux ressources naturelles, notre manière de les exploiter. Ces extractions posent des questions quand on connaît la quantité limitée des ressources et leur impact social et environnemental. Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand et Anne Kerléo.
À partir de 2028, 34 000 tonnes de lithium pourraient être produites par an dans l’Allier à Échassières, soit un quart de la production annuelle mondiale, de quoi alimenter la fabrication de 700 000 batteries de voiture par an, pour équiper plus de 17 millions de véhicules électriques pendant 25 ans.
Présenté de cette manière, ce projet pourrait apparaître comme une avancée technologique majeure et pourtant, le démarrage de la consultation publique sur ce projet de mine s’est fait sous haute tension au niveau local. D’un côté, il y a l'entreprise Imerys qui porte le projet et prévoit l’exploitation du site, soutenue par le gouvernement, la région, le département, entre autres. Et également une part de la population locale. Et de l’autre, certains habitants inquiets voire fortement opposés au projet et des associations locales de défense de l’environnement.
"Une partie de la population locale est favorable à ce projet parce qu’il y a une promesse de 1000 emplois générés. Mais ce sont des emplois qui sont de haute technicité et nécessitent une importation de la main d'œuvre", décrypte Leila Miñano, journaliste indépendante et membre du collectif Investigate Europe. En effet, Imerys, propriétaire de la carrière de kaolin à Échassières, a annoncé la création d'emplois dans ce secteur, mais dans le cadre d'une même consultation publique, à chaque nouvelle réunion, le nombre d'emplois descendait ostensiblement.
Par ailleurs, une autre partie de la population s'opposait au projet dénonçant une catastrophe environnementale, avec un dossier incomplet notamment sur l’après-mine. Ces divergences d’opinions se cantonnent au plan départemental, car l'information sur le projet n'a pas été partagée au-delà. "Il devrait y avoir un consentement des populations. Et il n’existe pas de droit au consentement et de droit à la consultation", s’étonne Leila Miñano. Ces informations environnementales, manquantes dans le rapport de l'après-mine, concernent la région entière et aussi la nation. "Souvent, ces projets sont au nom de la souveraineté nationale. C'est un argument pour clore le débat", dénonce Maxime Combes.
Le lithium est le principal composant des batteries pour voitures électriques. En 2022, la capacité mondiale de production de batteries lithium-ions est de 1 570 GWh avec 1 200 GWh en Chine, 130 GWh en Europe, 110 GWh aux États-Unis. Cette production de lithium est caractérisée comme de l’extractivisme par Maxime Combes, économiste et spécialiste des enjeux environnementaux énergétiques nationaux et mondiaux. "C’est un mode de production et d'extraction des ressources où l‘objectif est d’alimenter les marchés internationaux et pas les besoins locaux des populations qui vivent autour de ces mines d'extraction", explique-t-il. Il y a donc un enjeu sur les méthodes de productions et les objectifs fixés par les gouvernements et les grandes firmes minières. Selon Juliette Renaud, responsable de campagne à l’association Les Amis de la Terre France, le lithium sert la transition vers la voiture électrique certes, mais son extraction nécessite une quantité d’eau et d’énergies bien trop grande. Finalement, cette nouvelle manne énergétique est-elle vraiment aussi verte que les gouvernements le disent ?
"Il faut définir les besoins essentiels des populations", affirme Juliette Renaud. Avant de produire, définir les besoins énergétiques permettrait alors de créer la quantité nécessaire pour économiser les ressources minières. "On ne peut pas passer du tout voiture individuelle à essence à un tout voiture individuelle électrique", explique-t-elle. Quels sont nos besoins ? Comment nous les satisfaisons ? Et quelles ressources va-t-on changer pour minimiser les impacts environnementaux ? Se poser les bonnes questions semble être une bonne manière d’introduire la sobriété énergétique dans la société. "Un accroissement de ressources va favoriser la croissance économique mondiale, donc le bien être des consommateurs et donc le bien être des citoyens. Cette logique est inversée parce qu’elle ne se vérifie pas chez tous les citoyens", conclut Maxime Combes. Cela porte plus sur la sobriété afin de réduire tout impact négatif environnemental.
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