On peut légitimement se demander si le choix d’une vie plus sobre vaut encore la peine tant les prévisions des scientifiques sont alarmantes concernant les impacts du changement climatique. Entretien avec le jésuite Alexandre Masson, pour qui tous les gestes comptent dès lors qu’ils sont posés par amour.
Parmi les axes fort du Carême, il y a le jeûne. Il s'agit, au cours des cinq semaines de préparation à Pâques, de vivre une forme de privation de ce qui nous rend dépendants. Longtemps, cette privation a porté sur la nourriture mais aujourd'hui elle peut concerner les outils numériques dont nous sommes esclaves. L'idée d'une libération est donc étroitement liée à celle de la sobriété. Or, dans le contexte actuel de la crise écologique et du changement climatique, la sobriété prend un sens décisif, particulier. Pour en parler, Véronique Alzieu a reçu Alexandre Masson, jésuite en formation. Il fait partie de l'équipe de l'éco-centre du Châtelard, près de Lyon.
RCF : Les scientifiques ne cessent de le répéter, il y a urgence à changer nos modes de vie pour limiter les conséquences du changement climatique. Comment réagissez-vous en constatant qu’il ne se passe pas grand-chose ?
Alexandre Masson : Je ne suis pas très optimiste et je pense qu’on va vers des temps difficiles tant sur le plan écologique que sur le plan social ou encore politique. Nous sommes dans une tension avec d’un côté une urgence à changer de cap pour limiter les dégâts du réchauffement climatique et de l’autre une inertie et une immobilité mortifères.
On peut toujours choisir de servir la Vie
RCF : Qu’est-ce qui vous fait garder confiance et espérance ?
A. M. : Une fois qu’on a fait cet état des lieux inquiétant, il y a différentes manières de se positionner. Comme chrétien, je me dis qu’à vue humaine, l’histoire de Jésus se termine mal. Pourtant, il a aimé jusqu’au bout et je crois que toute sa vie a eu de la valeur. Tous les gestes d’amour qu’il a posés, des plus petits aux plus grands, participent de l’amour éternel de Dieu pour sa Création. Au-delà de la réussite ou pas de la transition écologique, ce qui compte, c’est de rester debout et que la vie ait un sens. Je veux dire une vie donnée aux autres, aimante et en relation avec Dieu. Et ça, c’est à portée de main parce que c’est ce que le Christ nous donne de vivre. Au fond, mon espérance c’est de croire que même si on s’attend à certains effondrements, on peut toujours choisir de servir la Vie. Au cœur de la tension dont nous parlons, il est essentiel de dire qu’une paix nous est donnée. Mais c’est un acte de foi, le même certainement que celui qui nous fait croire que le Christ est ressuscité.
Reconnaître ce qui dans nos vies, a valeur d’éternité…
RCF : Est-ce une façon de se donner bonne conscience ?
A. M. : Non parce qu’il ne s’agit pas d’une affaire personnelle. C’est le monde qui en jeu. Le Carême est un bon temps pour distinguer deux petites musiques très différentes : celle de la désespérance, du à-quoi-bon, du tout-est-foutu, et celle qui nous murmure que servir la vie a toujours de la valeur, même si les choses ne vont pas dans le sens qu’on aimerait, et qu’on n’est pas maître de l’histoire. Cela suppose de définir ce qui a vraiment du sens, pas seulement pour moi à court terme, mais en reconnaissant ce qui dans nos vies, a valeur d’éternité…
Être solidaires de tous les vivants, passés et futurs
RCF : Comment donner du sens aux changements que l'on décide au quotidien ?
A. M. : Dans l’ordre de l’amour il n’y a pas de petite décision et tout acte posé par amour a une valeur en soi. C’est ce que nous dit l’évangile selon Matthieu : "Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite afin que ton aumône reste dans le secret." Ou encore : "Quand tu pries... ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret." Il ne s’agit en aucun cas d’être bien vu. Ce qui compte, c'est de poser des actes qui ont de la valeur aux yeux de Dieu et d’être solidaires de tous les vivants, passés et futurs. Nous avons reçu cette terre comme un don et nous avons la responsabilité de la transmettre aux générations à venir. C’est un acte d’espérance de croire que ça vaudra encore la peine d’y vivre dans quelques décennies. Cette responsabilité nous engage aujourd’hui peut modifier nos comportements. Nous pouvons aujourd’hui choisir la vie !
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