POINT DE VUE DE THÉO MOY - La semaine dernière à Paris s’est tenu un sommet international sur la cuisson propre. Un sujet en apparence anodin mais en réalité tout à fait majeur, en témoigne les très sérieux engagements pris en conclusion de ce sommet.
C’est un sujet en apparence anodin, la manière dont chaque jour nous cuisons nos aliments.
Pourtant, l’ONU estime que 2,3 milliards d’humains prennent chaque jour des risques en brûlant bois, charbon, kérosène ou déchets agricoles dans des systèmes de cuisine bricolés, souvent rudimentaires. Brûler ces combustibles dans des foyers ouverts et dans des lieux parfois confinés, c’est prendre un risque vital. Les particules fines émises lorsqu’elles pénètrent dans l’organisme peuvent provoquer de très graves maladies respiratoires et cardiovasculaires. Les premières victimes en sont les femmes, qui sont très souvent préposées à la cuisine dans les pays africains. Un demi-million de femmes et enfants meurent chaque année prématurément à cause de ces modes de cuisson, sur le continent africain.
Cette hécatombe pourrait bien être évitée. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, 4 milliards de dollars annuels permettraient de régler en grande partie le problème en Afrique d'ici à 2030. 4 milliards, c’est « une minuscule fraction » des investissement mondiaux dans l'énergie souligne l’Agence. En 2023, ces derniers représentaient ainsi 800 milliards de dollars.
La solution, les grands pays d'Asie l’ont mise en place sur les 15 dernières années, en favorisant l’équipement des foyers les plus pauvres avec des appareils de cuisson moins nocifs.
Un milliard de personnes ont ainsi vu leur confort et leur santé s’améliorer.
A Paris, des participants de tous horizons se sont réunis : entreprises, institutions mondiales, représentants de pays. L’Union Européenne, mais aussi les Etats Unis et des pays comme le Danemark et la France ont annoncé qu’ils allaient accroitre leurs efforts.
« Un tournant a eu lieu » s’est réjoui le directeur de l'Agence Internationale de l’Energie, avant d’annoncer que les engagements s’élevaient à 2,2 milliards, qui s’ajoutent à des sommes déjà investies. Si je tenais à vous parler de ce sujet aujourd’hui, c’est parce qu’il est à la croisée d’enjeux multiples : économiques, sanitaires, sociaux, climatiques et égalitaires.
Ce sujet du mode de cuisson est un exemple chimiquement pur du « tout est lié » du Pape François.
En aidant une famille à changer de système pour cuisiner, on permet d’abord à la femme de ne plus risquer sa vie en faisant à manger, mais aussi aux enfants de ne plus devoir ramasser des déchets pour alimenter un feu et ainsi de pouvoir se rendre à l’école. Enfin, on évite des émissions de méthane, une pollution majeure, et de nouvelles déforestations. Selon l’agence de l’énergie, on pourrait économiser 1.5 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an en faisant la transition vers des équipements de cuisine « propres » d'ici 2030. La cuisson propre est une cause écologiste et féministe, qui nous met face à l’extrême imbrication des crises auxquelles nous faisons face. Et la solution, pour une fois, est à la portée de la main : des technologies simples, accessibles si l’on accepte de répartir un peu mieux les richesses.
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