Le dépistage est l'un des axes de la nouvelle stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neuro-développement (TND) présentée le 14 novembre dernier par Emmanuel Macron. Depuis 2005, la France a connu quatre plans autisme. Comment comprendre qu'il reste encore tant à faire pour détecter les troubles du spectre de l'autisme (TSA), accompagner les familles, former les professionnels... ?
Une personne sur 100 dans le monde et 670.000 en France seraient autistes. Des chiffres qu’il faut replacer dans leur contexte : en France, poser le diagnostic de l’autisme est difficile. Le dépistage fait partie des axes de la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement (TND) lancée à l’automne 2023.
"Autisme" vient du grec "autos" qui signifie "soi-même". Depuis 2013 on ne parle plus de troubles envahissants du développement (TND) mais de TSA, pour "troubles du spectre de l’autisme". Une expression qui rassemble des troubles de sévérité très variable.
L'autisme a été identifié comme maladie en 1943. La définition proposée par Leo Kanner (1894-1981) établissait un lien "avec des formes de schizophrénie infantile", comme le rappelle Éric Charmetant, jésuite, philosophe, enseignant aux Facultés Loyola à Paris. "Ce qui a induit aussi une vision qui peut être liée au développement psychologique de l’enfant, le lien avec l’interaction familiale." Et favorisé une approche de l’autisme marquée par la psychanalyse, ce qui est aujourd’hui très critiqué.
Cette approche a pu en effet mener à des "versions extrêmes", comme celle de Bruno Bettelheim (1903-1990) sur "la mère réfrigérateur" : l’idée que l’autisme serait lié au manque d’affection de la mère à l’égard de son enfant. Les progrès de la science ont permis de donner tort à cette théorie. En 2010, la Haute autorité de santé (HAS) a précisé "que les caractéristiques psychologiques des parents n’entraient pas en ligne de compte dans l’autisme", rappelle Danièle Langloys, la présidente d’Autisme France, et "qu’il était parfaitement inadmissible de stigmatiser les parents, en particulier la mère".
La psychanalyse n’a rien à faire dans l’autisme
On sait aujourd’hui que parmi les causes de l’autisme il y a des facteurs génétiques. Ainsi "l’héritabilité de l’autisme est très grande pour des raisons que l’on connaît très mal", détaille Danièle Langloys. Si un enfant est concerné par l’autisme, la probabilité pour ses frères et sœurs à naître d’être atteints de TSA est de 20 à 30%. Il y a aussi des facteurs externes. Par exemple, le Valproate de sodium, que l’on utilise dans la prise en charge de l’épilepsie, peut, s’il est pris par une femme enceinte, entraîner des troubles du neuro-développement chez le bébé.
Malgré les avancées de la science, en France la psychanalyse garde "un poids culturel immense" dans la prise en charge de l’autisme. "Parce que beaucoup de formations sont encore imprégnées de psychanalyse", regrette Danièle Langloys, pour qui "la psychanalyse n’a rien à faire dans l’autisme". Mère de Donatien, 11 ans, atteint de TSA, Laure Verdeau témoigne : "Parmi les spécialistes que l’on me recommande, il y a des psychanalystes." Donatien a été diagnostiqué alors qu’il était en moyenne section de maternelle. "Comme il ne parlait pas, je ne sais pas comment on s’est retrouvés à consulter un psychanalyste…" Avec le recul, cela a été du "temps perdu puisque le lien a été fastidieux"...
La formation des professionnels est l’un des grands enjeux pour le dépistage et la prise en charge de l’autisme. Mais comment comprendre "l’inertie de la formation" en France ? "Du côté formation permanente, on n’arrive pas tellement à faire changer les comportements ou les visions d’un certain nombre de psychologues ou de travailleurs sociaux par rapport à leur formation initiale", note Éric Charmetant, qui avait organisé en mars 2012, le colloque "Nouvelles perspectives sur l’autisme". Selon lui, "le rôle des associations" est essentiel "pour essayer de faire bouger les lignes, parce qu’au niveau politique, c’est quand même un peu incompréhensible qu’on ait pas plus progressé…"
L’évaluation diagnostique, c’est un métier en soi. Trop peu de professionnels capables de le faire
La stratégie annoncée par Emmanuel Macron à l’automne 2023 prévoit un dépistage "systématique" pour les enfants entre zéro et six ans qui présenteraient des écarts de développement. Aujourd'hui, il est extrêmement difficile de poser un diagnostic précoce. D’ailleurs, "c’est très rarement le cas", souligne Danièle Langloys.
Entre les médecins libéraux, les Équipes diagnostic autisme de proximité (EDAP), les Plateformes de coordination et d’orientation (PCO), les Centres de ressource autisme (CRA)… c’est "un fouillis absolument invraisemblable qui ne permet pas aux familles d’accéder normalement à un diagnostic", dénonce la présidente d’Autisme France. "J’aimerais un Guide du Routard du parent de l’autiste", témoigne Laure Verdeau.
Rappelons que dépister les TSA et poser un diagnostic, cela ne peut être fait par une simple consultation chez le médecin de famille. C’est le travail de toute une équipe pluridisciplinaire : il faut des bilans orthophonique, psychométrique, cognitif, émotionnel, sensoriel… "C’est l’ensemble de ces bilans qui va aiguiller vers le diagnostic, souligne Danièle Langloys, l’évaluation diagnostique, c’est un métier en soi. Trop peu de professionnels capables de le faire."
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