Awa Sylla est une femme pleine d'énergie et d'envie. Après avoir quitté sa Côte d'Ivoire pour fuir un mariage forcé, elle s'est toujours accrochée à la cuisine pour avancer. Aujourd'hui, elle est diplômée et pleine de projets.
Tablier blanc et serviette accrochée au flanc, Awa Sylla est occupée à couper ses légumes pour préparer un fonio accompagné d'un ragoût, traditionnels de sa Côte d'Ivoire. Chou, carottes, courgettes, butternut, courge verte de Hongrie, patates douces, manioc, tomates... tout est arrivé en direct du producteur d'Audrey Jambon, la cheffe du restaurant le Petit Bouclard qui l'accueille pour l'édition 2024 du Refugee Food Festival. Tout, sauf certains produits plus exotiques qu'elle a dû commander auprès de son fournisseur Agriz, comme le manioc. Un produit qu'Audrey Jambon ne cuisine pas et que son couteau d'office ne parvient pas à trancher.
Avec sourire et pédagogie, Awa lui explique où couper, avec quel ustensile et comment éplucher cette racine phare en Afrique. « On utilise tout, on se soigne avec ça, on mange avec ça, on fait plein de choses avec le manioc. On peut le faire bouilli, frit, en ragoût, on peut le faire sécher, en farine aussi comme pilé. Et puis, on peut le boire aussi et on peut le manger frais, comme une carotte » déroule la jeune maman qui, en France, a commencé à cuisiner dans l'école de sa fille de cinq ans. « C'est pas parce que j'ai plus d'expérience qu'elle que je ne peux pas apprendre d'elle, il faut savoir rester humble. Deux personnes passionnées par la cuisine, ça fonctionne toujours ! » assure Audrey Jambon.
Awa Sylla confirme s'être « sentie à l'aise » tout de suite et admet même avoir « taquiné directement » Audrey Jambon. Mais la star du menu ce vendredi-là, c'est une céréale surfine originaire d'Afrique, sans gluten, très nutritive et peu utilisée en France : le fonio. Un plat qu'Awa, originaire d'Odiénné, avait particulièrement envie de partager aux convives. En Afrique, proposer du fonio à ses invités est un signe de reconnaissance et de respect. Et cela a du sens pour la réfugiée, qui se souvient de tous les acteurs qui l'ont menés jusqu'ici, à commencer par ses parents.
Car la cuisine est pour elle un héritage familial, qui lui rappelle d'où elle vient : « ma maman est cuisinière, mon papa est boucher. On a de l'élevage, on fait de l'agriculture aussi. C'est très très important pour moi, je sais que toute ma vie, je serais dans la cuisine ». Et ce jour-là, Awa Sylla et Audrey Jambon se sont installées dans l'étroite cuisine du Petit Bouclard dès 8h pour préparer, à quatre mains, le menu franco-ivoirien qu'elle servira aux habitués en terrasse du bistrot lyonnais.
Après avoir enfourné son plat, Awa se livre, d'abord discrètement. La jeune femme qu'elle était a fui sa Côte d'Ivoire en 2010, alors que la guerre fait rage et pour éviter un mariage forcé. Ghana, Bénin, Mali, Mauritanie... elle traverse de nombreux pays avant d'arriver dans un camp de réfugiés de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, qui l'aidera ensuite à arriver en France en 2019, quelques mois avant l'épidémie de Covid qui reste marquante pour Awa.
Alors qu'elle maîtrise à peine le français et l'écrit mal, elle s'attache à ce qu'elle aime, la cuisine, et intègre une formation de commis de cuisine qui la mènera jusqu'au CAP de cuisine, obtenu grâce au programme « Des Étoiles et des Femmes » de Weavers Lyon. Participer au Refugee Food Festival - c'est sa troisième participation cette année - est très important pour elle : « quand j'étais réfugiée en Mauritanie, alors qu'on a connu la guerre et que j'avais mes propres problèmes de famille, j'ai croisé beaucoup de personnes qui restent gravées dans ma mémoire. On m'a beaucoup aidé jusqu'à mon arrivée en France. Vraiment, je remercie tous les gens qui m'ont aidé et merci beaucoup aux gens de Lyon ! ».
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