À l’heure où une proposition de loi sur l’interdiction de la corrida a provoqué des débats houleux, utiliser des animaux comme objets de divertissement pose question. La religion et la science nous aident à alimenter les réflexions sur le rapport entre l’Homme et l’animal.
Dans la Bible et la Torah, le rapport de l’Homme à l’animal est réglementé, rappelle Catherine Vialle, professeur d’Ancien Testament, et responsable pédagogique d’un diplôme universitaire en études animales à l’Université catholique de Lille. "On ne peut pas faire n’importe quoi avec les animaux. L’Homme exerce une responsabilité sur la création qui est à l’image de Dieu, il y a donc des lois sur la manière de traiter les animaux domestiques. Dans la Torah, frapper un animal à mort est interdit. Il ne faut pas museler le bœuf quand il foule le grain afin qu’il puisse en profiter lui aussi." Même les animaux ont le droit au repos : "Ils font aussi shabbat" ! Franck Dubois, dominicain et docteur en théologie la rejoint : "En effet, comme les animaux sont des créatures de Dieu, ce serait le déshonorer que de ne pas en prendre soin." Mais il nuance : "Concernant les animaux, la religion est vecteur du meilleur et du pire. Saint Thomas d’Aquin écrivait que les animaux n’avaient pas d’âme. Cependant, ce sont bien les théologiens qui sont pionniers dans la protection des animaux à l’image du prêtre anglican qui a créé la SPA en 1824."
Du côté de la science, il est établi que les vertébrés ressentent la douleur, comme le rappelle Georges Chapouthier, biologiste, philosophe et directeur de recherche émérite du CNRS : "Les vertébrés, comme les poissons, les mammifères ou même les pieuvres, ont pleinement conscience de la douleur, ce qui s’appelle la nociception. Cependant, les invertébrés, largement majoritaires dans le règne animal, n’en ont pas. Certains réagissent par réflexe à la douleur de manière inconsciente." Une notion combine le concept de nociception et de conscience : la sentience.
La captivité des animaux à des fins de divertissement est de plus en plus remise en cause, en témoigne la fin des animaux sauvages dans les cirques et les delphinariums. "Même si je ne remets pas en cause l’amour que portent les gens du cirque à leurs animaux, dompter et dresser n’est pas louable car cela revient à leur faire effectuer des actions qu’ils ne feraient jamais dans la nature", déclare Laurence Paoli, conseillère en communication pour la science et l’environnement, spécialisée dans le lien à l’animal. Elle invite cependant à ne pas stigmatiser trop vite les parcs zoologiques, eux-mêmes parfois pointés du doigt pour leurs conditions d’enfermement : "Aujourd’hui, les zoos ont pleinement intégré le triptyque recherche - conservation - sensibilisation, qui représente leur mission légale. Ils participent même à la conservation des écosystèmes sur place pour la réintroduction. Les conditions de captivité sont de plus en plus réglementées."
Alors que la législation se durcit concernant l’exploitation commerciale d’espèces sauvages, Georges Chapouthier, biologiste, philosophe et directeur de recherche émérite du CNRS, évoque le sort des nouveaux animaux de compagnie (NAC) : "Le problème de la captivité, c’est quand les animaux ne peuvent pas répondre à leurs besoins naturels, en termes d’espace ou de type d’occupation. Les NAC, comme les reptiles, ne sont pas du tout adaptés à la vie dans un vivarium au sein d’une maison."
L'Église change de point de vue sur le rapport entre l’Homme et l’animal, témoigne le Frère Franck Dubois : "Le Pape François a inscrit dans Laudato Si' que tout animal est doué d’une dignité en vertu de son statut de créature et de sa destinée", explique-t-il. "D’abord, comme l’animal a été créé par Dieu, les respecter, c’est respecter le Seigneur. Ensuite, si on considère que l’animal a accès au ciel, il a alors une vocation éternelle : cela doit donc forcer notre respect". Mais cela ne signifie pas pour autant que la hiérarchie entre l’Homme et l’animal est bouleversée : "l’Homme ressuscite toujours au sommet", précise-t-il.
Dans la science comme dans la religion, la supériorité de l’Homme sur les animaux est difficilement remise en question. La notion de responsabilité - et non de domination - de l’Homme sur la création est centrale pour comprendre pourquoi la religion place l’humain au sommet. "L’Homme doit veiller sur la création car il est le lieutenant de Dieu. Il a un statut particulier : Homme et animal sont les deux faits d’humus et d’argile mais seul l’homme a reçu le souffle de Dieu", souligne Catherine Vialle. Quant à Georges Chapouthier, il exprime cette idée de manière plus laïque et scientifique : "l’Homme est un animal comme les autres sur le plan biologique. Cependant, contrairement aux autres animaux, son cerveau le pousse à connaître l’univers qui l’entoure. Sur le plan culturel, il possède un sens moral et donc un sentiment de responsabilité sur son environnement". Si la supériorité de l’Homme sur les animaux est questionnable, Laurence Paoli nous met néanmoins en garde sur certains excès : "Une certaine pensée pousse à considérer certains animaux intelligents comme supérieurs à des hommes ayant perdu leurs capacités. Je considère cette idée comme une dérive anti-humaniste à souligner."
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
En partenariat avec Les Facultés Loyola Paris
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !