La loi de bioéthique de 2021 vise à répondre aux porteurs d'un projet parental et au désir d'enfant des couples hétérosexuels, des couples de femmes et des femmes seules. Elle prévoit que le médecin mesure et interroge ce désir d'enfant.
Aujourd’hui "il y a une réelle forte augmentation" du recours à l’AMP (aide médicale à la procréation), qui n’est "plus aussi confidentielle qu’avant". Et avec la nouvelle loi de bioéthique de 2021, on peut prévoir que les années 2022 et 2023 marqueront une "augmentation très forte". Les chiffres les plus récents de l’agence de biomédecine remontent à 2020 : pour cette année-là, l’AMP concerne 3% des naissances - un chiffre à prendre avec "un peu de distance", conseille le Dr Emmanuelle Mathieu d'Argent, puisque les centres AMP ont été fermés pendant environ trois mois à cause de la pandémie de Covid.
Donner ses ovocytes ou ses spermatozoïdes est perçu comme une démarche militante, positive, valorisante
La loi de bioéthique de 2021 prévoit une levée partielle de l'anonymat pour les donneurs de gamètes. Le nombre de donneurs, hommes comme femmes, est lui aussi en nette augmentation. Les dons de gamètes concernent actuellement 4 à 5% des naissances concernées par l’AMP. Si autrefois donner ses gamètes était tabou, considéré comme honteux, aujourd’hui la pratique est perçue comme "une démarche militante, positive, valorisante", estime le médecin. D’ailleurs, le don d’ovocyte "est un don beaucoup plus généreux, estime le médecin, parce que beaucoup plus technique et beaucoup plus engageant sur le plan physique que le don de spermatozoïdes". Il existe aussi le don d’embryon, appelé également "l’accueil d’embryon" :un couple qui n’a plus de projet parental pour ses embryons congelés peut décider de les offrir.
Avec la nouvelle loi bioéthique de 2021 "on a un devoir d’évaluer le projet parental" précise Emmanuelle Mathieu d'Argent. "Ce devoir est compliqué pour nous, mais il nécessite certainement de prendre beaucoup de temps pour réfléchir avec les gens, pour écouter leur demande vraiment…" Pour beaucoup de personnes, chez qui le désir d’enfant semble "irrépressible", "il y a un désir de faire famille, il y a un désir de faire comme tout le monde, il y a un désir d’être dans la norme, et puis il y a un désir profond de transmettre la vie, des valeurs…"
Dans le cas d’un recours à des gamètes extérieurs au couple, "on fait en sorte que l’enfant ressemble au maximum à ses parents", précise Bruno Saintôt. Ce que l’on appelle l’appariement - et que la sociologue Irène Théry désigne comme "la stratégie du ni vu ni connu". "On fait comme si l’enfant vient de nous." Contrairement à l'adoption où les parents adoptants savent que leur enfant ne leur ressemblera pas forcément. L'adoption, "ce n’est pas le même vécu psychologique", explique Emmanuelle Mathieu d'Argent.
Dans le cas du don de gamète, bien souvent les couples "font un choix porté par la honte", selon le médecin. "Il y a une question de culpabilité dans l’infertilité qui est très importante et il y a une demande de réparation. On n’est pas dans une demande de création de famille ou de création de lien. On est, nous médecins, dans une demande de réparation. Et donc effectivement, ce modèle du ni vu ni connu, on ne pouvait y répondre qu’en essayant au maximum de répondre à la question en faisant comme si rien ne s’était passé, comme si la médecine n’existait pas, comme si c’est enfant était arrivé tout seul."
"Je mesure ce qu’est la souffrance d’enfant, témoigne le Père Bruno Saintôt, qui anime des week-ends pour des couples en espérance d’enfants, des fois c’est dramatique, vous avez des couples qui sont quasiment au bord de la rupture pour cette question-là." L'Église accompagne les couples qui souffrent de ne pas avoir d'enfant tout en leur proposant des "repères éthiques".
En matière de procréation, l'Église s'est opposé dès 1987 à l'insémination artificielle. Aujourd’hui, elle reste hostile à "tout procédé de fécondation in vitro qui ne partirait pas de la donation conjugale". Le jésuite admet que "c’est assez restrictif !"
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