Ce sont des emplacements vides dans les centres commerciaux, des magasins qui ont baissé le rideau définitivement. Le contexte économique de ces derniers mois a été fatal à de nombreuses entreprises bretonnes. Les perspectives ne sont pas bonnes pour le tissu de petites et moyenne entreprises, et pour nos artisans.
Ils sont coiffeurs, charcutiers, photographes ou garagistes. Tous ces artisans et indépendants sont de moins en moins nombreux, surtout à la campagne. La conséquence d’une crise multiple : crise sanitaire d’abord avec le Covid, puis crise de l’énergie, rupture d’approvisionnement avec la guerre en Ukraine, et contexte d’inflation.
Quelques chiffres pour éclairer cette réalité : en moyenne pour une boucherie bretonne de 8 salariés, la facture s’est alourdie de plus de 10 000 euros, 40 % de hausse pour le papier sur lequel le photographe imprime son travail. Sur les 3 500 salons de coiffures que compte la Bretagne, cette année, le nombre de défaillances d’entreprise a bondi de 181 % par rapport à 2021.
Mickaël Morvan, président de l’U2P Bretagne, Union des entreprises de proximité :
Le dénominateur commun c’est la marge, l’inflation, le coût de l’énergie. Inévitablement, ça prend sur la marge de l’entreprise, qui est le salaire du dirigeant
"Aujourd'hui, si nous ne regardons pas chaque facture journalière, poursuit-il, en six mois, un taux de marge qui baisse peut fragiliser l’entreprise. Donc, c'est vraiment une gestion au jour le jour, facture par facture." Résultat : au tribunal de commerce de Rennes, le nombre d’ouverture de procédures collectives a augmenté de 35 % entre 2022 et 2023.
Des dossiers que Mickaël Morvan accompagne en tant que premier vice-président de la chambre des métiers Bretagne et élu Urssaf et conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI). "Aujourd'hui, certes les chiffres d'affaires sont en augmentation pour beaucoup, mais avec une marge qui est complètement défaillante. Notre inquiétude, elle est pour cette fin d'année où nous voyons un grandissement des défaillances d'entreprises, TPE et micro-entreprise." Phénomène inquiétant, de plus en plus d’entreprises ne demandent même plus un redressement, et passent directement en procédure de liquidation judiciaire.
Des secteurs jusque-là préservés commencent à leur tour à sentir les effets de cette crise. C’est le cas de la restauration, mais aussi de la construction , qui connait sa première baisse d’activité en trois ans. Andréas Milet dirige une entreprise de couverture à Thorigné-Fouillard. Il est président de la Capeb de Bretagne, Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment.
"On a une phrase dans le bâtiment, c’est : “Quand le bâtiment va, tout va”. Et là, on peut constater qu’on a quand même plusieurs sujets préoccupants." La pénurie de certains matériaux, l'ardoise notamment, et la hausse considérable des prix a fortement déstabilisé son entreprise bretilienne, contrainte de suspendre ses devis à plusieurs reprises, et à renoncer à certains chantiers importants.
Autre sujet d'inquiétude avec le zéro artificialisation nette : " Jusqu'à 2030, explique le chef d'entreprise, nous ne pourrons réaliser que la moitié de ce qui a été produit ces 10 dernières années, et à partir de 2030, il n'y aura plus rien, et ce phénomène est structurel, pas temporaire. La France est le mauvaise élève de l'Europe, et la Bretagne le mauvais élève de la France." Ajoutant à cela des trésoreries mises à mal par l'épisode de Covid, le bâtiment connait sa première baisse d'activité en trois ans.
Mickaël Morvan prévient : pour le président de l’Union des entreprises de proximité de Bretagne, si au premier trimestre 2023 les entreprises ont pris sur leurs marges, ils vont devoir, pour survivre, augmenter leurs tarifs, et faire peser plus sur les consommateurs. Pas sûrs que ceux-ci puissent encore se le permettre.
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