
Entre applications de rencontres, relations à distance et nouvelles conceptions de l’engagement, aimer aujourd’hui ne ressemble plus forcément à hier. Ces évolutions transforment-elles réellement la nature de l’amour, ou ne sont-elles que de nouveaux moyens d’exprimer des sentiments ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.
En 2025, plus d’un Français sur trois prévoit de fêter la Saint-Valentin, soit 36 %, contre 47 % en 2008. Ce chiffre en diminution reflète-t-il un changement, ou du moins une évolution dans le langage de l'amour ? Le sentiment amoureux est-il universel ou évolue-t-il au fil des décennies ?
À l’ère du numérique et des réseaux sociaux, les relations amoureuses évoluent au rythme des innovations technologiques et des transformations sociétales. Aimer aujourd’hui ne ressemble plus forcément à hier. Mais "la capacité à exprimer des sentiments reste universelle" selon Elsa Godart, philosophe et psychanalyste. Ce qui change, c'est la façon de les éprouver et de les exprimer. Pour la philosophe, l’amour est "une dimension insaisissable. Le sentiment amoureux est pris dans des normes sociales et on a du mal à s’en défaire".
Cette conformité "concerne tout le monde", commente Marine Lambolez, doctorante en sociologie au Centre Max Weber. "La parole et le regard de l’autre imposent les normes, et surtout à l’heure des réseaux sociaux qui ajoutent encore une pression sociale", complète Elsa Godart. Peu importe l’âge et la génération, ces normes viennent ainsi "entacher nos manières d’être", déplore la philosophe. Toutefois, ces normes aliènent plutôt les adolescents. "Ils se demandent ce que c'est d’être amoureux de manière normale et ce besoin de conformité les rend finalement moins libres que les adultes", explique Marine Lambolez. Cette volonté de respecter une normalité pose la question du statut social. "Parfois, pour les adolescents, être en couple donne un meilleur statut social", ajoute la doctorante.
La capacité à exprimer des sentiments reste universelle.
Pourtant, "on a le sentiment que les choses se délitent, et que le respect des normes est de moins en moins présent”, explique Elsa Godart. En réalité, il y a une "diversification des normes, les réseaux sociaux génèrent de nouvelles pratiques et de nouvelles formes de relation amoureuse", précise la philosophe. Les plus jeunes semblent sortir de plus en plus des normes, tout en entrant dans de nouvelles…
Nouvelles pratiques, nouveaux discours, nouvelles nominations pour parler de l’amour. Des termes tout droit tirés des réseaux sociaux et notamment de TikTok viennent bouleverser le champ lexical de l’amour. "Par exemple, on entend l'expression Situation Chip qui signifie une relation sans engagement, sans définition. Ghoster : partir sans explications. Crush : attirance soudaine envers quelqu’un", explore Elsa Godart. La conception de l’amour devient-elle différente chez la nouvelle génération ? C'est à nuancer, selon les deux invitées.
La génération d’après-guerre possède d’autres codes que celle de maintenant.
"Aujourd’hui, tout est plus rapide, plus instantané, ce qui pousse à l’amour du consumérisme. 66 % des 18-29 ans sont en couple ou veulent une relation durable, contre 21 % qui veulent des histoires d’un soir", précise Elsa Godart. L’amour qui dure toute la vie "n'est donc pas remis en cause", souligne Marine Lambolez. "Il existe plein d’autres relations qui sont tout autant remplies d’amour sans forcément se conformer à 200 % à cet idéal, comme le remariage par exemple", complète la doctorante.
Cette façon différente de "consommer" l’amour peut parfois surprendre les anciennes générations : "50 ans de vie commune, des enfants dans le mariage, c’est louable. Mais aujourd'hui, il y a la place pour explorer différents types de relation. Et c’est possible dans une société qui le permet", ajoute Elsa Godart. Cette éphémérité des relations résonne avec le milieu du travail. "Maintenant, on change une ou plusieurs fois de travail dans sa carrière. Faire quelque chose tout au long de sa vie peut faire peur", ajoute-t-elle. Ces évolutions s’expliquent par le changement et la progression technologiques. "Aujourd'hui, nous sommes dans une société d’hyper modernité ou de cybermodernité, donc la génération d’après-guerre possède d’autres codes que celle de maintenant", explique Elsa Godart.
L’amour qui dure toute la vie n'est pas remis en cause.
“D'autres modèles sont désormais possibles et tout ça peut cohabiter dans une même société", complète la psychanalyste et philosophe. S’il y a bien une innovation notable, "c'est que chacun peut être ce qu’il est, libre d’exprimer ses désirs et de les vivre. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus de normes, mais ce sont des choses qui œuvrent, et je pense que c’est quelque chose de très heureux dans notre société."
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
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