Le commandant Massoud a été assassiné il y a 20 ans, le 9 septembre 2001, deux jours avant les attentats du World Trade Center. Quel lien y a-t-il entre ces deux événements ? Qui était "le lion du Panchir" ? Un humaniste ? Un seigneur de la guerre ? Un mystique soufi ? Reporter depuis plus de 30 ans, Olivier weber s’est rendu de nombreuses fois en Afghanistan. Il vient de publier "Massoud le rebelle assassiné" (éd. L’Aube).
Massoud a été assassiné entre la destruction des deux Bouddhas de Bâmiyân en mars 2001 et celle des deux tours de Manhattan en septembre. Lui qui incarnait la résistance, "gênait" certains pays étrangers et Al-Qaïda. "Il fallait d’abord abattre Massoud et ensuite procéder aux attentats de New York", explique Olivier Weber. Détruire les Bouddhas de Bâmiyân, pour Al-Qaïda c’était aussi l’emporter symboliquement sur les talibans.
Le 9 septembre 2001, deux faux journalistes ont assassiné le commandant Massoud. À 48 ans, il avait déjà "échappé à une quarantaine de tentatives d’assassinats". Quelques jours avant de mourir, il aurait dit à sa femme : "Je sais que je vais être bientôt martyr..." Pour Olivier Weber, auteur du "Faucon afghan" en 2001 (éd. Robert Laffont) et de "La Confession de Massoud" (éd. Flammarion, 2013), le chef de guerre "savait que les tueurs d’Al-Qaida étaient à ses trousses".
"On n’a pas écouté Massoud qui demandait des armes, raconte le reporter, c’était pas pour sa vallée, c’était pour le monde. Il disait : attention à ce qui va venir, cette déferlante islamiste..." Lui qui voulait avertir les pays occidentaux des danger de l’islamisme radical n'a pas été entendu.
"Jusqu’en septembre 2001, les États occidentaux ne s’occupaient pas tellement de l’Afghanistan." Contrairement aux mouvances islamistes internationalistes comme Al-Qaïda, Daech, et même l'État islamique de la province du Khorasan (ISKP), "les talibans ne veulent pas exporter - encore aujourd’hui - leur modèle à l’étranger". Sans doute n'a-t-on pas cru à une menace possible... Massoud avait collaboré dans sa jeunesse avec les Frères musulmans avant de s’en séparer. "Il savait ce que représentait l’islam radical."
Un célèbre portrait du photographe Reza le présente comme un mystique. Ahmed Chah Massoud, dit "le commandant Massoud", était aussi un chef de guerre. Il commandait le Front uni islamique et national pour le salut de l'Afghanistan. Olivier Weber le compare aux résistants français sous l’occupation. "C’était quelqu’un qui résistait à l’obscurantisme." Selon lui, "sa résistance a contribué à la chute de l’URSS et à la formation de la perestroïka et la fin du communisme pur et dur en Union soviétique".
"Il avait cette volonté de démocratiser le pays." Massoud avait pour Olivier Weber une "vision moderne de l'islam" et "incarnait un esprit d’ouverture". "Entre deux combats il jouait aux échecs ou au football avec ses hommes, ou il lisait de la poésie persane, quelques fois française, même Victor Hugo !" Pour le reporter, la vallée du Panchir, reste "un foyer qui irradie le monde entier" et "incarne cette volonté de résister"(*). Évoquer la mémoire de Massoud, c'est rappeler "cette éthique, cette philosophie, cet art de combattre l’obscurantisme le plus total".
(*) L'interview a été réalisée avant l'annonce de la prise de la vallée du Panchir par les talibans, le 6 septembre 2021
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