Qu'est-ce que le transhumanisme ?
En partenariat avec Les Facultés Loyola Paris
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Le transhumanisme n'est pas un courant structuré comme pourrait l'être un parti politique ou une institution religieuse. Pour autant, les tenants de ce mouvement imaginent qu'avec la machine on peut nier la mort. Ou que l'intelligence artificielle peut nous rendre plus charitables...
Il y a dans le transhumanisme, "une mise en sourdine d’une dimension anthropologique très importante, c’est l’ambivalence de l’être humain, capable du meilleur et du pire". Comme l'explique Éric Charmetant, jésuite et philosophe, le fait de cultiver ses vertus, de prendre conscience de son péché, de relire son existence ou de s’interroger sur son action - qu'encourage le christianisme - tout cela s'avère inutile aux yeux des transhumanistes. À partir du moment où l'on nie la mort, on gomme les failles de l'être et le tragique de la condition humaine. Le transhumanisme est-il une religion ?
Le transhumanisme évacue toutes les dimensions tragiques de l’être humain, toutes ses ambivalences
Les transhumanistes n’évacuent pas toute idée de morale, de bien et de mal. Mais il s'agirait de recourir à la machine pour, justement, être meilleur, altruiste et charitable. Franck Damour, auteur du livre "Le transhumanisme - Histoire, technologie et avenir de la réalité augmentée" (éd. Eyrolles, 2019), rappelle qu’il existe un courant "pas très éloigné du transhumanisme", fondé sur "une conception efficace, efficiente, de la charité. Ce courant a d’ailleurs "une assez grande influence dans la Silicon Valley".
Cette vision est très révélatrice, estime Franck Damour, de ce que le transhumanisme "évacue". C'est-à-dire "toutes les dimensions tragiques de l’être humain, toutes ses ambivalences". Cela dénote également "une conception assez naïve et mécaniste de ce qu’est l’intelligence". Franck Damour parle d’une forme "aveuglement" qui serait "récurrent dans leur vision de l’homme".
→ À LIRE : Le transhumanisme représente-t-il un danger ?
Être facilement charitable et faire le bien sans que cela nous coûte peut être une idée séduisante. On n’aurait plus besoin de discerner. Ainsi, les exercices spirituels de saint Ignace, que l’on suit quand on veut savoir ce qui est bien et bon pour soi, pour nous aider à faire un choix de vie, par exemple, deviendraient inutiles. On pourrait s’en remettre à l’intelligence artificielle et aux bases de données. En somme, "on est confrontés à deux visions de l’être humain", résume Éric Charmetant. "D’un côté, quand on est du côté de Teilhard de Chardin ou du christianisme, d’un être humain qui est relation, en relation avec Dieu, avec les autres êtres humains, avec tous les vivants. De l’autre, un modèle d’un être humain auto-suffisant."
La conception étatsunienne du transhumanisme cultive cette vision d’un homme "qui peut tout faire lui-même", quitte à être désincarné au sens propre puisqu’il est remplacé par des machines. "Le risque, rappelle le jésuite, est de passer à côté de ce qui est vraiment la profondeur de l’être humain, cette dimension relationnelle, qui intègre aussi la vulnérabilité, la limite." Il n’y a qu’à relire "La Fin de l'histoire et le Dernier Homme" (1922), le célèbre essai de Francis Fukuyama, pour mesurer "le risque" d’entraîner l’humanité dans "une forme de léthargie sans voir que ces petites modifications à terme, l’une après l’autre, entraînent une perte de l’âme". Plus récemment, Hans Jonas, dans son ouvrage "Pour une éthique du futur" (1990), identifiait, rappelle Éric Charmetant, le risque d'une "forme de dépérissement existentiel et l’impossibilité d’être vraiment libre et créatifs".
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