Numériser le cerveau humain, fabriquer des exosquelettes, annuler les effets du vieillissement... Autant de fantasmes portés par les transhumanismes et dont on est encore bien loin ! Le transhumanisme représente-t-il un danger ? Dans le monde de l'industrie, faire des promesses, surtout les plus folles, c'est ce qui permet de lever des fonds...
Jusqu’où peut aller la fusion entre l’homme et la machine ? Le fantasme des transhumanistes est d'aller le plus loin possible, de dépasser les limites naturelles du corps humain. Des idées folles qui peuvent faire rêver ou faire peur. Mais les projets transhumanistes relèvent-ils uniquement de la science-fiction ? Quel crédit leur accorder et quels sont leurs moyens financiers ?
Le psychologue américain Timothy Leary (1920-1996), fervent défenseur du LSD, a beaucoup influencé deux importantes figures du transhumanisme californien : Natasha Vita-More (née Nancie Clark) et Max O'Connor devenu Max More. "Jusque dans les années 2005 en gros, précise le jésuite et philosophe Éric Charmetant, c’est surtout un courant de militants sans grands moyens financiers. C’est après que ce courant va intéresser un certain nombre d’entrepreneurs de la Silicon Valley, comme Google."
Cependant les transhumanistes ne sont pas toujours bien vus dans le monde de la grande industrie. Et ont "peu de liens directs" avec les industriels, raconte Franck Damour. "Lorsque des personnes issues de ces mouvements militants ont acquis une certaine reconnaissance, comme Nick Bostrom, ils se sont détachés de ces mouvements militants." Pour l’historien des idées, auteur du livre "Le transhumanisme - Histoire, technologie et avenir de la réalité augmentée" (éd. Eyrolles, 2019), s’il y a "une déconnection" entre les penseurs et militants transhumanistes et l’industrie, "ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de diffusion de certaines idées". Leur influence, les transhumanistes l’exercent surtout à travers des think tank. Et le discours par lequel les transhumanistes arrivent à se faire entendre en ce moment dans la Silicon Valley, c’est le technosolutionnisme : comment la technologie va apporter des réponses à la faim dans le monde ou aux aléas climatiques.
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Jusqu’à présent, la seule technologie existante générée par les transhumanistes est le bitcoin, estime Franck Damour. Certes, on ne sait toujours pas qui est le vrai nom de Satoshi Nakamoto, le créateur de cette monnaie virtuelle. Mais "il se trouve que la plupart des informaticiens qui ont mis au point les éléments techniques pour forger le bitcoin étaient membres d’Extropie", rappelle l'historien. Le mouvement transhumaniste fondé par Max More. Leur objectif était de "contourner l’État et trouver des moyens financiers de mettre en œuvre tous les projets en matière de cryogénie ou de colonisation spatiale". Et si l'idée d'Elon Musk d'emmener des hommes sur mars fait rêver les transhumanistes, celui-ci n'a "jamais adhéré" à un mouvement transhumaniste.
Il y a une économie de la promesse et lorsque vous faites de promesses assez extraordinaires vous avez plus de facilité à mobiliser des fonds
Numériser le cerveau humain, fabriquer des exosquelettes, annuler les effets du vieillissement... Autant de rêves transhumanistes dont on est encore bien loin. Où en est le transhumanisme aujourd'hui ? Pourquoi ce climat général d’attente vis-à-vis de grandes évolutions qu’on avait crues possibles ? "Il faut bien comprendre le rôle de ces attentes dans le développement industriel, répond Franck Damour, les industries aujourd’hui fonctionnent beaucoup autour de promesses. Il y a une économie de la promesse et lorsque vous faites des promesses assez extraordinaires, vous avez plus de facilité à mobiliser des fonds."
À ce titre, "le transhumanisme joue le rôle d'idiot utile". Mais il ne faut pas négliger l'adhésion personnelle de certains dirigeants comme Elon Musk, "qui se voient comme des bienfaiteurs de l'humanité". Quitte à entretenir la dimension messianique de sa mission. Cela renvoie à "tout un héritage propre à la sensibilité religieuse nord-américaine qui est de faire de la technologie un support du salut", analyse Franck Damour.
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