Il y a ceux qui travaillent trop, menacés de burn out, et ceux qui, selon certains politiques, ne travaillent pas assez... Il y a la génération Z soucieuse de donner du sens à son travail mais qui ne veut pas en faire sa principale source d'épanouissement... Où en est-on avec le travail ? À l'occasion de la Fête du travail en ce 1er mai, RCF vous propose de redécouvrir l'émission Pas si Simple, réalisée en partenariat avec Le Jour du Seigneur, et consacrée à cette thématique. Cyril Chabanier, le président de la CFTC, était leur invité.
"Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?" C'est souvent comme cela que l'on demande à quelqu’un quel est son métier. Une formule qui étonne d’autant plus qu'aujourd'hui, la génération Z perçoit précisément le travail comme n’étant qu’une façon parmi d’autres d’assurer son épanouissement.
Difficile de saisir cette réalité complexe, multiforme et mouvante qu'est le monde du travail. Il y a des changements durables profonds, structurels, et des coups d’accélérateur dont l’effet parfois, s’estompe. Ainsi, le mouvement de liberté de la "grande démission" après la pandémie de Covid aurait laissé la place à une forme de résignation.
Qu'est-ce que le travail aujourd’hui ? Valeur économique devenue valeur morale, est-il synonyme de souffrance ou d'épanouissement ? Le mouvement des Gilets jaunes, la pandémie de Covid, ou encore la réforme des retraites sont venus réinterroger le travail. Le podcast PAS SI SIMPLE donne la parole à Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).
Dans un monde médiatique qui privilégie la culture du clash et du zapping, pas si simple aujourd’hui de faire entendre avec clarté la complexité et la nuance ! RCF, avec Le Jour du Seigneur et Les Semaines sociales de France, vous propose PAS SI SIMPLE, un podcast pour prendre de la distance avec les certitudes tout en respectant les convictions.
Durant la pandémie de Covid-19, "les salariés se sont rendus compte qu’il y avait peut-être autre chose que le travail, note Cyril Chabanier, beaucoup ont redécouvert qu’ils passaient à côté de leurs enfants, que d’avoir une activité de loisir, sportive… permettait de s’épanouir."
Il y a eu aussi à la faveur de la pandémie ce grand mouvement de démission ou "big quit", surtout aux États-Unis et dans une moindre mesure en France. La "grande démission" aurait laissé la place au "resentéism", à la résignation, car le contexte économique pousse désormais beaucoup de salariés à rester à leur poste. Toutefois, il semble désormais ancré dans les esprits que "l'on ne veut plus perdre sa vie en travaillant", observe Cyril Chabanier. Et ce depuis la loi Aubry de 1998 sur les 35 heures.
La génération Z, celle des personnes nées entre 1997 et 2010, est soucieuse de sa santé "physique et mentale". "Ils ont vu leurs parents travailler énormément, rappelle la sémiologue Mariette Darrigrand, et "ils veulent équilibrer… C’est de personnes très actives, polyactives, ils ne veulent pas tout donner à l’entreprise. Ils savent que ce n’est pas simplement par leur travail qu’ils vont assurer leur avenir et l’avenir de leurs propres enfants."
On oppose les gens : la France qui se lève tôt, les fainéants, les vieux contre les jeunes…
Sujet éminemment politique, le travail est devenu une valeur morale. Là où la valeur travail était "avant tout une valeur économique" note Cyril Chabanier, "on est passés sur une valeur morale du travail", où "on oppose les gens : la France qui se lève tôt, les fainéants, les vieux contre les jeunes…"
Pour la sémiologue Mariette Darrigrand, c’est Nicolas Sarkozy qui a "donné un sens moral" à la valeur travail. Glissement de sens d’un bout à l’autre de l’échiquier politique puisque c’est le philosophe Karl Marx qui a conceptualisé la valeur travail.
Ce discours sur les Français qui ne travaillent pas assez a souvent été repris par Emmanuel Macron. "Nous sommes un pays qui travaille moins que les autres en quantité", a-t-il déclaré le 13 janvier 2021. Gérald Darmanin pointait du doigt sur BFMTV le 29 janvier 2023 "des gens qui n’aiment pas le travail", au sein de la Nupes et de LFI. En écho Sandrine Rousseau a déclaré le mois suivant : "Oui au droit à la paresse, oui au droit à la retraite à 60 ans."
→ À LIRE : Travail : la grande quête de sens des salariés
Si "nous sommes héritiers d’une vision où le travail fait souffrir", aujourd’hui, selon la sémiologue Mariette Darrigrand "on n’est plus dans l’animal laborans qui doit travailler pour survivre". Mais dans "ce que Bergson appelle homo faber, l’homme fabricant qui veut donner un sens à son geste, savoir à quoi ça va servir".
On décrit une jeunesse qui aspire à plus de liberté et d’autonomie : tout l’enjeu du travail aujourd’hui est d’articuler le collectif à l’individuel. Cyril Chabanier insiste sur "l’accomplissement personnel" et "l’accomplissement collectif" : "La valeur travail doit permettre les deux et doit même faire les deux. Je trouve très dommage de les opposer… Il ne faut surtout pas que dans la société de demain on oublie l’un au profit de l’autre. "
Soucieux de la dignité des travailleurs ouvriers dans l’industrie, le pape Léon XIII a publié en 1891 l’encyclique "Rerum novarum", qui a posé les bases de la doctrine sociale de l’Église et encouragé le syndicalisme chrétien. "La dignité des personnes", c’est "la valeur déclic" à la CFTC, souligne Cyril Chabanier. Il observe un système économique qui encourage des dérives. "Nous sommes inquiets et vigilants." Qui sera en mesure, questionne-t-il, d'encadrer demain l’intelligence artificielle ?
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