Nouvelles techniques de procréation : "Il y a un risque réel d’eugénisme"
En partenariat avec Les Facultés Loyola Paris
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Peut-il y avoir une "GPA éthique" comme l'affirme Yannick Jadot ? Le début de la vie - GPA mais aussi diagnostic prénatal, etc. - est un véritable enjeu social et politique. Mais les débats sont souvent marqués par l'émotion et l'idéologie. Comment les dépasser ? Éclairages de l'expert en bioéthique, Bruno Saintôt, jésuite, directeur du département d'éthique biomédicale du Centre Sèvres.
Comment dépasser l'émotion et l'idéologie quand on parle du début de la vie ? C'est aujourd'hui un véritable enjeu social et politique, dont les débats sont la plupart du temps marqués par l'émotion et l'idéologie. Avec la fin de vie, cela fait partie des sujets auxquels on réduit souvent les catholiques, constate le Père Saintôt.
GPA, diagnostic prénatal... On peut aussi en parler sous l'angle, plus apaisé, de la bioéthique. La question qui se pose est celle-ci : "Quelles sont les conditions que nous mettons, nous, globalement, pour que des êtres humains arrivent au monde sans que nous leur imposions des critères qui soient de plus en plus déterminés, de plus en plus exigeants ?"
Le 13 décembre sur France Info, le candidat Yannick Jadot a relancé le débat en défendant une "GPA éthique". Au sein d’Europe Écologie-Les Verts, le sujet divise. Proche du parti, l’association Osez le Féminisme ! dénonce une "marchandisation des corps des femmes".
De fait, la GPA soulève de nombreuses questions. "Il me semble qu’à travers ces questions, il y a des enjeux cruciaux pour notre société", affirme Bruno Saintôt. Pour lui, "il n’y aura jamais de GPA éthique au niveau global". "Je n’enlève pas la possibilité pour qu’une femme soit dans une disposition d’oblation, d’offrande d’elle-même. Mais si on le pense socialement politiquement, de manière instituée, je ne pense qu’il ne peut pas y avoir de conditions éthiques de la GPA."
"Il me semble que les conséquences sur l’enfant d’être né de cette manière-là ne sont pas véritablement bien étudiées." Certes, on sait combien l’être humain est adaptable et a une capacité de résilience, mais "est-il éthique d’arracher l’enfant de cette manière-là" à sa mère, se demande l'expert en bioéthique, "quand on sait que ce lien maternel était tissé dès la gestation et qu’il a beaucoup d’influence sur l’enfant" ?
La GPA coûte entre 100 et 200.000 euros sur le marché américain, de 20 à 30.000 euros en Ukraine. Elle repose sur un contrat financier. "Qu’est-ce que ça signifie de mettre au monde un enfant dans un cadre de marchandisation où l’enfant est considéré comme un bien ?... Et qu’arrive-t-il si l’enfant est handicapé ?"
Aujourd'hui, on sait tester l’enfant à naître de plus en plus tôt. Mais que recherche-t-on et dans quel but ? Parfois on obtient des résultats précis, on sait s’il y a une maladie. "Le plus souvent, on a des prévisions ou des prédictions, on dit : il y a tel pourcentage de malchance pour que telle maladie se déclenche à tel âge."
Mais qu’est-ce qu’on fait avec ces prédictions-là ? "Faut-il éliminer cet enfant-là ou le faire venir au monde en espérant que la technique aura progressé ?", questionne Bruno Saintôt. Et qui décide ? "Pour l’instant, les maladies d’une particulière gravité sont évaluées par un collège de médecins, dans les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal", rappelle le spécialiste de bioéthique. La question s’est posée de la dérive de ces diagnostics : c’est une tentation.
En juin dernier, l’élargissement du diagnostic préimplantatoire à la recherche d’anomalies chromosomiques (DPI-A) dans le cas d’une FIV n’a pas été voté par les députés. Ses défenseurs parlaient d’une solution pour éviter de donner naissance à des personnes gravement malades ou handicapées. Mais qu’est-ce qu’une maladie grave ? Pour certains, c’est à l’Agence de la biomédecine de dresser la liste des maladies d’une particulière gravité. Mais "au nom de quoi une instance politique donnerait une liste préalable des maladies" ? Maladies qui ne seraient pas définies seulement d’un point de vue médical mais aussi politique...
On touche ici "aux dérives de l’eugénisme", prévient le jésuite. D’ailleurs, faut-il encore parler d’eugénisme, tant ce mot renvoie à la période nazie ? Le CCNE (Comité consultatif national d’éthique) doit remettre un avis sur cette question. "J’ai milité pour que l’on garde ce mot, confie le Père Saintôt, y compris avec sa charge émotionnelle, parce qu’il est écrit quand même dans l’histoire une tendance que peuvent avoir les sociétés à contrôler de plus en plus, même si ce n’est pas l’État qui s’en charge." Aujourd’hui, s’installe socialement ce que l’on appelle un eugénisme libéral.
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