Levée de l’anonymat pour les donneurs de gamètes, remboursement de la PMA par la Sécurité sociale… Retour sur les principales conséquences du vote des nouvelles lois de bioéthique, promulguée le 2 août 2021, avec le père Bruno Saintôt, jésuite, directeur du département d'éthique biomédicale au Centre Sèvres.
La crédibilité de l’Église est certes bien entamée par les récentes révélations de la Ciase. Bruno Saintôt rappelle toutefois quel est le fondement de sa pensée : "seules des personnes engendrent des personnes dans une relation personnelle", formule le jésuite. L’Église insiste sur la relation d’engendrement : par qui suis-je venu(e) au monde ? Qui a permis que je sois là ? C’est "une question fondamentale pour tout être humain", insiste Bruno Saintôt.
La levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, prévue par les nouvelles lois de bioéthiques, représente un changement majeur. "Entre 1994 et 2021, il a fallu tout ce temps pour que la souffrance des enfants devenus adultes de ne pas avoir accès à leur origine soit entendue." Reste que la levée de l’anonymat est d’une extrême complexité sur le plan juridique et va susciter un certain nombre de difficultés. Ceux qui ont déjà donné peuvent décider s'ils gardent ou non le régime de l’anonymat, et leurs gamètes ne seront à terme plus utilisées s’ils n’y consentent pas…
Sur le plan opérationnel, "le nombre de demandes a été sous-estimé", explique Bruno Saintôt, et les Cecos (Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains) s’inquiètent d’une pénurie de sperme disponible. En 2019, 987 enfants sont nés par don de sperme et 409 par don d’ovocyte. Le profil des donneurs va-t-il changer avec la levée de l’anonymat comme cela s’est produit dans d’autres pays ? Quoi qu’il en soit, "nous allons traverser une période délicate", prévient Bruno Saintôt.
Jusqu’à présent, pour que la PMA soit remboursée par la Sécurité sociale, il fallait faire preuve d’infertilité. Il s’agissait de répondre à une pathologie. Aujourd’hui la loi élargit l'accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, auxquelles le remboursement est ouvert. Les opposants à la PMA trouvent scandaleux de faire rembourser par la Sécurité sociale la réponse à un désir personnel d’enfants. "Le désir d’enfant est toujours personnel. S’il y a un désir d’enfant, la question est de savoir si le recours à la technique est éthique ou pas", répond Bruno Saintôt.
La Sécurité sociale a été mise en place après la Seconde Guerre mondiale pour remédier aux difficultés de la vie économique. Elle permet d’être solidaire les uns des autres devant les aléas de l'existence et notamment les problèmes de santé. Avec les nouvelles lois de bioéthique, la question se pose désormais : qu’est-ce qu’une pathologie ? Et jusqu’où va la solidarité ? Si ce ne sont plus les critères médicaux qui entrent en jeu, quels seront ces critères ?
On s’expose à "une extension sans fin des demandes faites à la médecine de remédier à des pathologies", prévient le jésuite. "Mais aussi de pourvoir à nos désirs, certes légitimes mais jusqu’où va-t-on dans la solidarité nationale ? Le risque avec les progrès de la médecine est celui de devoir rembourser des demandes sans fin : même son n’est pas malade on peut avoir le désir de développer des aptitudes ou des capacités physiques, mentales, intellectuelles, sans limites." Bruno Saintôt plaide "pour des barrières, des limites".
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Un podcast en partenariat avec les Facultés Loyola Paris.
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