Rhône
L’uniforme scolaire, considéré dans beaucoup de pays comme symbole de prestige et fierté d’appartenir à son école, peine à trouver une place confortable dans les débats en France. Longtemps durant, son instauration a fait couler de l’encre et son avenir demeure incertain. Cependant, depuis le lundi 26 février, 700 élèves de Béziers portent l’uniforme dans le cadre d’une expérimentation nationale. Alors que la question du code vestimentaire revient sur le devant de la scène, des spécialistes de tout bord échangent sur le sujet. Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.
En France, l’école publique, gratuite et laïque a toujours eu comme maître mot la liberté vestimentaire, dès lors que les tenues respectaient les règles de l’établissement. Mais tout a changé en 2003 lorsque Xavier Darcos, alors ministre de l'Éducation Nationale, propose d’adopter une tenue scolaire. Au cours d’une visite à la City of London Academy, il appelle à la création d’un signal vestimentaire d’appartenance à un établissement. "Cela supprime les différences visibles de niveau social ou de fortune", s’exclame-t-il alors.
Malgré tout, le projet ne sera pas retenu par manque de soutien. Il faudra attendre 2016 pour voir les discussions reprendre. Durant la présidentielle de 2017, Marine Le Pen et François Fillon inscrivent tous deux le port de l’uniforme à leur programme, le dernier déclarant "qu'il force le respect et de l’autorité et le sens de l’effort". Depuis lors, la question d’une tenue vestimentaire obligatoire dans le cadre scolaire n’a cessé de revenir dans les débats.
Parmi les parents, élèves et professeurs, deux camps semblent se former : les partisans et les opposants à l’uniforme. Les premiers seraient plus nombreux. D’après divers sondages parus fin 2023, entre six et sept Français sur 10 seraient favorables à la tenue unique à l’école. Bien que le projet soit largement soutenu par des électeurs de droite et d’extrême droite, les votants NUPES seraient également favorable à sa mise en place.
Aucun effet de l’uniforme n’a été observé.
Pourtant, les opposants à l'uniforme ne sont pas sans présenter de solides arguments. Les collégiens et lycéens repoussent catégoriquement l’idée de porter un uniforme, craignant de ne pouvoir s’exprimer eux-mêmes en un âge où ils se cherchent. L’argument du travail tend également à s’effondrer lorsqu’on le confronte aux études menées dans les établissements étrangers. "Aucun effet de l’uniforme n’a été observé", affirme Jean-Luc Amadieu, sociologue et professeur à l’université Panthéon-Sorbonne, lorsqu’on l’interroge sur une possible amélioration des résultats scolaires. Pire, cela pourrait même occasionner un coût important pour l'Éducation nationale, que ce soit auprès des établissements fournissant l’uniforme, mais aussi pour les familles devant assurer son entretien. En plein contexte inflationniste, tout le monde ne peut pas se permettre d’entretenir une tenue scolaire. "Il y a des gens qui ne mangent pas tous les midis à la cantine [...] 3.000 enfants dorment dans la rue", déplore Jean-François Amadieu.
"En Angleterre, où l’uniforme est instauré, les inégalités ne disparaissent pas. Vouloir l’imposer en France, c’est invisibiliser les vrais problèmes de l’éducation, comme le manque de professeurs", alerte Abdelkrim Mesbahi, vice-président de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves. Il est vrai que, si l’uniforme permet de développer un sentiment d’appartenance à un établissement précis, il n’en réduit pas moins les inégalités visibles, notamment auprès des plus pauvres.
Le sujet de la qualité de l’éducation revient également sur la table. En 2023, le Ministère de l'Éducation Nationale rendait 700 millions d’euros de son budget tandis qu’un professeur manquait dans 50 % des collèges et lycées de France à la rentrée. Jean-Luc Amadieu se dit profondément "dépité" de constater qu’un tel projet soit mis sur le devant alors que l’argent manque dans des secteurs de l’éducation baissant significativement la qualité de l’enseignement.
C'est invisibiliser les vrais problèmes.
Pour Bernard Hubien, secrétaire de l’Union Francophone des Associations de Parents de l’Enseignement Catholique en Belgique, le problème réside dans la spécificité des situations et l’absence de consultation des enseignants français. "En Belgique, notre système éducatif est en restructuration depuis 2017. Pour que tout se fasse dans l’intérêt des établissements, le gouvernement laisse les professeurs, parents et élèves discuter de leur situation et arriver avec leurs propres solutions", déclare-t-il.
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