POINT DE VUE DE AYMERIC CHRISTENSEN - Pour ne pas perdre pied dans l’actualité et les tensions de l’époque, et si on prenait juste le temps de respirer ? C’est en tout cas à cela que nous invite un essai paru récemment : Respire, de Marielle Macé.
Vous avez profité de l’Ascension pour souffler un peu ? Vous prenez l’air à la Pentecôte ? Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais le joli mois de mai voit particulièrement fleurir ce vocabulaire de la respiration. On aspire à souffler, prendre l’air, respirer, s’oxygéner, changer d’air… Bref : on vit les ponts à pleins poumons, et ça nous fait du bien, parce que l’actualité nous étouffe, l’époque est parfois asphyxiante, l’atmosphère est de plus en plus irrespirable.
Mais oui ! De grâce, un peu de grâce ! Ce désir-là, on ne le voit pas seulement dans l’envie irrépressible de profiter du soleil, d’aller pic-niquer en forêt ou de flemmarder avec un bouquin. Ça se manifeste aussi dans cette passion soudaine d’une partie du pays le week-end dernier pour les aurores boréales, véritables cadeaux du ciel venus ranimer notre émerveillement ! Ou encore – dans une autre registre, mais dans la même logique – avec le succès populaire spontané du film Un p’tit truc en plus, de l’humoriste Artus, comédie mettant en scène avec une audacieuse tendresse des personnes porteuses de handicap mental. Rire à gorge déployée, c’est encore une façon de respirer, de partager une émotion, de décaler notre regard sur le monde.
Vous allez me dire que tout cela est assez futile. Mais non : c’est essentiel, c’est même spirituel. Au fond, à quoi ça sert de se changer les idées ? Eh bien, précisément : ça sert… à se changer les idées !
Voilà, on y revient. Et j’en profite pour vous conseiller un petit essai paru fin 2023 : Respire, de Marielle Macé, aux éditions Verdier. Parce que ce texte tombe particulièrement juste : « Tout le monde le sait, le sent : on manque d’oxygène, de santé, de paix, on manque de liens vrais, de justice et de joie. »
Au fond, respirer, c’est quoi ? C’est laisser passer à l’intérieur de nous-même quelque chose qui vient du dehors. C’est s’en nourrir. Et c’est ensuite faire rejaillir cet air pour qu’il aille traverser d’autres êtres vivants. Cette réalité biologique, c’est aussi une réalité sociale : l’atmosphère ambiante (les paroles, les idées, les émotions…) passe en nous, nous transforme, et nous avons une responsabilité sur ce que nous rejetons dans notre environnement. Nos paroles, nos idées, nos émotions peuvent être aussi bien de l’oxygène ou du poison pour notre entourage.
Accepter nos aspirations à plus de légèreté, à des joies simples et éphémères, ce n’est pas faire l’autruche face aux problèmes du monde. C’est aussi une écologie intérieure, qui nous rappelle notre soif de vie et notre fragilité commune. « La respiration, écrit encore Marielle Macé, est aussi une expérience de la vulnérabilité. » Pourquoi ? Parce qu’elle prend sa source dans un essoufflement. La plus simple expression de la vie, c’est ce besoin de retrouver de l’air.
Dimanche 10 mai, nous fêterons la Pentecôte. Ce moment où l’Esprit, le souffle de Dieu (« pneuma », en grec) vient inspirer les apôtres pour aller répandre l’Évangile. Littéralement : changer le monde ! Alors, ce que je vous propose, c’est d’en profiter pour reprendre souffle, comme on reprend courage, et prendre conscience de la façon dont, à notre échelle, nous pouvons renouveler l’air du temps.
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