TRIBUNE CHRETIENNE - On a l’impression que l’histoire se répète. Sans compter les agressions encore récentes sur des jeunes filles parce qu’elles ne se comporteraient pas selon les mœurs attendus. Les agresseurs se comportent en chérifs justiciers qui décident de la vie ou de la mort d’un des leurs. Nous connaissons pourtant de nombreux religieux, musulmans, chrétiens ou juifs, qui aspirent à la paix, à la tranquillité, qui sont pacifiques.
Pour trouver les mots dans la violence des maux. Parce qu’au-delà du drame qui nous oblige à en parler, les faits relatés me semblent symptomatiques sur au moins deux points. Selon le témoignage du plus jeune qui a survécu à l’attaque, l’agresseur d’origine afghane, leur aurait reproché "dans un français approximatif", de boire de l’alcool en ce jour de l’Aïd qui marque la fin du Ramadan.
Selon les traces sonores de l’agression, les deux amis algériens (l’un sans domicile fixe, l’autre hébergé par France Terre d’Asile) auraient rétorqué : "Pourquoi tu fais ça ? Nous sommes les mêmes !".
Personnellement, c’est une parole qui me touche parce qu’elle tente de relier de façon ultime des êtres humains comme des semblables, sans domiciles, qui bientôt rejoindront le ciel, l’un agresseur l’autre agressé, de même religion. Alain Bauer, professeur de criminologie, y analyse "un différend communautaire sur l’interprétation de ce que peut être, pour un intégriste musulman, la vision d’un autre individu lui ressemblant ("Nous sommes les mêmes"), consommant, ce qui lui semble interdit […] et qui projette sa propre interprétation des textes sur quelqu’un qui a une autre vision sur la manière dont on peut vivre sa foi ou ne pas la vivre."
Faut-il ici rappeler que le christianisme est passé par cette crise d’un pluralisme en son sein et qui a donné naissance à la Réforme protestante au 16e siècle, sur fond d’inquisition, refusant une seule lecture des textes sacrés. Peut-être pouvons- nous souhaiter à nos frères musulmans qu’ils vivent une réforme au nom d’un pluralisme des interprétations... Comme le disait Olivier Roy, alors enseignant à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, on peut dire que "L’Europe peut être une chance pour l’Islam". Même si l’actualité nous en éloigne !
L’agresseur se serait adressé dans un "français approximatif". Voilà un point commun avec une inquiétude qui ne concerne pas que les étrangers. Au sein de la jeunesse, la violence progresse en même temps que l’appauvrissement de la langue : la conjugaison des temps du subjonctif, du passé simple, de l’imparfait, des formes composées du futur, disparaît et donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, qui réduit toute projection dans le temps. Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions et à les conjuguer dans le temps.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même
"Vivez en paix, pour autant que cela dépende de vous", disait l’apôtre Paul. Il faut parfois accepter que tout ne dépende pas que de nous. Mais pour l’heure, le Christ remet au centre un "enseignement" (et non un "commandement" si l’on s’en tient au mot hébreu) : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". Cet enseignement est lié à un second dont le Christ nous dit qu’il lui est "semblable" (ce sont "les mêmes !") : "Tu aimeras ton Dieu. Toucher au prochain c’est toucher à Dieu. Mais à noter qu’ici, il est conjugué au futur : "tu aimeras !" Voir l’autre, le prochain et Dieu, comme un futur inachevé, jamais figé : c’est ce que nous pouvons nous souhaiter mutuellement. Ne perdons jamais de vue ce futur, même lorsque le drame présent voudrait nous le faire oublier.
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