Strasbourg
LA CHRONIQUE D'AYMERIC CHRISTENSEN - Où est passée la croix des Invalides sur l’affiche des Jeux olympiques ? Depuis la révélation du visuel, la polémique fait rage. Scandale politique ou signe d’un impensé culturel ?
En présentant cette impressionnante affiche des Jeux Olympiques 2024, les organisateurs invitaient, tout fiers, à la scruter en détail, façon « Où est Charlie ? », vous savez, ces livres-jeux dans lesquels il faut retrouver un personnage au pull rouge et blanc au milieu d’un décor foisonnant.
On peut dire qu’ils ont été écoutés au-delà de leurs espérances, puisque c’est vraiment à la loupe que certains sont allés remarquer une absence notable. Sur le visuel, pas de Charlie… mais pas de croix des Invalides non plus. Indignation. Scandale. Polémique. Il y en a pour qui l’affaire est entendue : le comité d’organisation et l’artiste Ugo Gattoni ont voulu « effacer » notre identité, « travestir » nos racines, « renier » notre culture.
Et ils n’ont pas tort, au fond. Il suffit de jeter un œil à ces affiches pour voir les multiples différences avec la réalité, et la vision d’un Paris olympique de parc d’attraction. Pas un drame, c’est vrai. Mais complètement anodin ? Pas sûr non plus. C’est tout de même compliqué de dire en même temps : « Regardez bien tous les détails » et « Ne faites pas trop attention aux détails »…
Surtout que ce n’est pas tout à fait la première fois que des croix disparaissent mystérieusement sur des images destinés au grand public. Souvenez-vous : en 2017, les croix des dômes bleus d’une église de Santorin, en Grèce, avaient été effacés sur les emballages de produits de grande consommation : moussaka, feta, yaourts grecs…
Et je vous épargnerai la recension d’autres petites polémiques plus ou moins locales sur des croix absentes « sans arrière-pensées, promis » de visuels officiels. Même l’affiche des JO de 1924 avait retiré celle du Sacré-Cœur. Je sais bien que la croix est par nature un signe de contradiction, mais tout de même !
Non, parce que, consciemment ou non, on baigne dans l’idée que moins on voit de signes religieux, mieux on se porte. De façon symptomatique, sur cette affiche des JO, on aurait pu attendre parmi les symboles de Paris la cathédrale Notre-Dame, dont l’incendie a suscité une telle émotion et qui doit justement rouvrir cette année… Mais il faut croire que les Invalides ou le pont Alexandre III sont plus iconiques dans l’imaginaire collectif.
Mais qu’est-ce qu’on croit, au juste ? Qu’en apercevant une petite croix minuscule, des gens vont soudain être touchés par la grâce, s’agenouiller en pleine rue en proclamant Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur ? Soyons sérieux ! On s’imagine sans doute respecter la laïcité en gommant pudiquement des références religieuses. Alors que respecter la laïcité, c’est précisément le contraire : c’est accueillir ces signes en laissant chacun libre de leur reconnaître une dimension cultuelle ou non.
Une polémique, sans doute pas, mais ce n’est pas pour autant inutile de rappeler qu’on ne renforce jamais la laïcité en occultant le religieux. À trop vouloir le renvoyer dans une sphère privée, on se prive surtout d’une richesse culturelle et sociale bien réelle. Et (la preuve ces jours-ci) on accentue les tensions qu’on croit étouffer. Dans le cas présent, encore une fois, ce n’est pas grave. C’est juste un peu triste.
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- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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