"L'inceste ou la conspiration des oreilles bouchées", tel était le titre d’un article du Monde du 18 janvier dernier. Véronique Margron nous encourage à prendre la résolution de refuser de nous boucher les oreilles devant les détresses d’enfants ou d’adultes et les crimes qui s’y cachent. Entrons dans la seule conspiration qui vaille : celle de la solidarité et de la protection des enfants et des personnes vulnérables.
"L'inceste ou la conspiration des oreilles bouchées". Tel était le titre d’un article du Monde du 18 janvier dernier. Face à cette conspiration, une femme, Nathalie Matthieu, un homme, le juge Édouard Durand, tous deux coprésidents de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (la CIIVISE), demandent "qui veut prendre la parole ?" Voilà donc toute la différence.
Une "conspiration des oreilles bouchées" et face à elle, bien droits et déterminés, des femmes et des hommes qui sans relâche disent : "Qui peut et veut parler ? Nous vous écoutons et vous prenons au sérieux." Cette scène se déroulait à Lille il y a quelques jours, à l’occasion du tour de France organisé par la CIIVISE pour rencontrer les victimes
Leur première victoire, exposer sans fard devant la commission leur récit immensément douloureux, traumatique. Beaucoup de femmes, de tous âges, de tous milieux.
Ces paroles - comme celles entendues par la Ciase, dont la CIIVISE s’est inspirée - plongent dans les enfers où chacune de ces histoires singulières s’est retrouvée précipitée. Ils sont ainsi les vainqueurs de la conspiration des oreilles bouchées qui commence trop souvent par la famille et se poursuit par les institutions, dont l’Église et ses autorités, pour son compte.
Édouard Durand parle souvent de la "stratégie de l’agresseur", autrement dit tout ce qui va participer à l’impunité de son crime. Le silence, la sidération des victimes, l’aveuglement et la méconnaissance des institutions, le mal à l’aise avec la violence sexuelle commise par ceux qui doivent protéger comme avec la question du non-consentement : tout cela participe de cette stratégie de l’agresseur. Jusqu’au "crime parfait", comme le dit une personne violentée par un prêtre, quand la victime, sortie de son déni traumatique, découvre alors que tout est prescrit.
Il faut lire, dans cet article du Monde, les verbatims des témoins. Comme cette maman : "Quelle mère, ou quel père d’ailleurs, pourrait entendre ce que j’entends sans dénoncer ? Là, ma fille et moi on nous a réduites au silence... au tribunal pour enfants, on m’a dit que si je ramenais ma fille chez le médecin ou si je reportais plainte, on m’enlevait l’autorité́ parentale. Alors je choisis quoi, moi, entre la peste et le choléra ?"
Ou cette autre victime : le médecin auquel elle confie son souhait de déposer plainte la décourage, au motif que la vie de son frère – son agresseur – risquerait d’être détruite… Depuis, c’est en s’informant sur Internet qu’elle a trouvé́ quelques réponses à ses maux.
Alors oui, prenons la résolution, chacune et chacun là où il vit, aime, travaille, de refuser de nous boucher les oreilles devant les détresses d’enfants ou d’adultes et les crimes qui s’y cachent. Entrons dans la seule conspiration qui vaille : celle de la solidarité et de la protection des enfants et des personnes vulnérables.
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