Si je suis au micro de RCF, c’est parce que je me suis engagé depuis des années. Si je me suis engagé depuis des années, c’est parce que j’ai eu des modèles. Et parmi eux, il y a La Rose blanche.
Vous avez peut-être vu passer la photo célèbre où l’on voit discuter ces jeunes chrétiens, résistants allemands, Sophie Scholl en gros plan. Alors Sophie et son frère Hans Scholl, Alexander Schmorell, Susanne et Hans Hirzel, Kurt Huber, Christoph Probst, Willi Graf et les autres, ils étaient pour moi l’incarnation du courage chrétien face à la barbarie nazie. Comme le groupe Manouchian
un an plus tard, ils sont calomniés, certains torturés et assassinés lâchement. C’était il y a tout juste
80 ans.
Si je les avais en face de moi, je leur dirais "merci". Merci pour ce que je vous dois et plus particulièrement à vous, Hans et Sophie. Votre action aurait pu paraître dérisoire si vous n’aviez été que dans le "faire", comme on dit, dans la fabrication de ces tracts anti-nazis qui vous ont coûté la vie. Mais depuis Munich notamment, vous n’étiez pas uniquement des "travailleurs intellectuels". Non, vous rayonniez de Dieu en restant fidèle à son exigence.
Hans, lorsque tu vis une déportée juive en train de construire une autoroute, tu "voulais lui donner une petite joie" en lui offrant une fleur, un mot, un sourire, au-delà de la propagande, des barrières racistes et des cris. Hans, tu voulais, comme tu l’écrivis dans ta cellule citant Goethe, "braver les forces contraires" et devenir quelque chose "de grand" pour l’Humanité : La Rose blanche l’est devenue dans sa faiblesse. Cette faiblesse qui vous fit pâlir durant les interrogatoires.
Dans la solitude du combat, raconta votre sœur Inge, vous écoutiez cette voix intérieure qui disait "de persévérer même si tous vous abandonne", vous avez "suivi Dieu depuis votre jeunesse" et l'avez "[cherché] à travers toutes vos actions, tous vos efforts". "Le Christ, osa encore écrire Inge, vous
apparaissait comme un grand frère encore plus proche de vous que la mort car qui s’est engagé sur la
voie du Christ, la voie de la vérité qui répond à tout, la voie de la vie, de la grande vie, sublime, ne peut plus
revenir en arrière."
J’ai lu ces phrases en seconde. Depuis, je me suis engagé sur le chemin du Christ, et comme vous, j’y tombe souvent. Mais quelle joie, de ne pouvoir revenir en arrière : j’aimerais parfois, ce serait
tellement plus simple de ne pas ressentir ce feu brûlant qui m’empêche de céder à la chaleur du
troupeau, de ne plus à avoir de crises spirituelles, de ne plus me rendre compte de ma petitesse, de
mon impuissance, de mes fautes.
De même Sophie, tu dis que tu rechutes sans cesse, tu as peur de l’Enfer comme décrit par Bernanos qui est celui de ne plus aimer, ce qui pour toi signifiait notamment de ne pas être capable de se sacrifier pour une grande cause juste. Tu évoques longuement ta foi chrétienne, tes convictions démocratiques, ta perception de l’Amour qui est ton unique consolation ici-bas, de la nécessité pour le jeune chrétien de s’abaisser devant les misères du monde, le plus bas possible comme Dieu l’a fait pour nous par amour.
Tous et toutes, vous aviez "l’esprit dur et le cœur tendre". Voilà peut être une recette chrétienne
face aux maux d’aujourd’hui, la rigueur spirituelle, le cœur débordant d’un feu dévorant. Le saint est
un antihéros. Merci d’être des saints ordinaires, des saints qui nous montre que particulièrement
nous aussi, jeunes chrétiens du XXIe siècle, nous pouvons l’être en nous levant à la suite de ce Jésus, qui a fait jaillir la vie des souffrances, qui a vaincu toute, oui, toute mort.
- Inge Scholl, "La Rose Blanche - Six Allemands contre le nazisme", éditions de Minuit, 2008, 160 p., 6,90 euros
- Hans et Sophie Scholl, "Lettres et carnets", éditions Le Livre de poche, 2010, 480 p., 7,60 euros
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