Un monstre sacré, une légende ou un géant… ce sont autant de superlatifs entendus d’ordinaire lorsqu’une célébrité quitte le monde des vivants. Benoît XVI, qui s’est éteint à 95 ans dans sa retraite silencieuse au cœur des jardins du Vatican, n’est rien de tout cela. Joseph Ratzinger est ce "simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur" qui se présenta à la loggia de la basilique Saint-Pierre un soir d’avril 2005, dans une soutane blanche aux manches trop courtes.
À l’issue de l’une de ses premières audiences publiques, ce théologien plus habitué à sa table de travail qu’aux bains de foule, demanda à ses proches ce que signifiaient tous ces téléphones portables pointés sur lui ! L’ancien discret gardien du dogme, que l’on croisait place Saint-Pierre avec sa soutane et son béret vissé sur la tête, avait soudain changé de monde, acceptant d’être "vicaire du Christ" et "serviteur des serviteurs de Dieu".
À mon sens, pas du tout ! C’est en quelque sorte son puissant pontificat qui fut, pour lui, une transition, dans une vie entièrement tournée vers le Seigneur, au point parfois de manquer les subtilités du monde de la communication, mais jamais de perdre le lien avec son Créateur. Une vie de professeur, d’évêque, de cardinal de curie puis de pape aux enseignements d’une richesse prodigieuse. Y compris sa trilogie très personnelle sur Jésus de Nazareth, écrite malgré la charge du pontificat avec son cœur de théologien.
Le magistère profond de Benoît XVI est un magistère d’amour qui réside plus encore dans sa recherche continue de Dieu et sa vive inquiétude face à un monde dénué de transcendance. Rappelez-vous ses propos dans un discours mémorable sur le monachisme occidental au Collège des Bernardins à Paris, en 2008 : "Quaerere Deum, chercher Dieu et se laisser trouver par Lui : cela n’est pas moins nécessaire aujourd’hui que par le passé."
Parmi tant de moments, je garde en mon cœur le souvenir de notre dernière rencontre, doux privilège accordé à ma famille au terme de longues années passées à Rome. Retiré au Monastère Mater Ecclesiae, Benoît XVI avait pris le temps de converser avec chacun, s’intéressant à la vie des petits comme des grands. Impressionné par cette intimité, je lui demandais simplement comment il se portait. Sa réponse fut brève et lumineuse : "Comme un serviteur qui attend de rencontrer son Seigneur." Voilà cette attente ardente et priante comblée.
Quelques heures avant de s’éteindre, dans un souffle, ses dernières paroles furent pour Celui qu’il avait servi durant toute son existence : "Jésus je t’aime". Au début de cette nouvelle année, les résolutions les plus baroques sont de sortie, mais une seule vaut vraiment la peine : aimer le Christ en toutes choses et le chercher en demeurant "fermes dans la foi", sans nous laisser troubler, comme nous y invite le testament spirituel de celui qui fut bien un géant, mais dans son abaissement !
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