Ce n’était pas écrit, mais c’était à craindre. Les généraux birmans, qui ont renversé il y a deux ans le gouvernement civil au prétexte que les élections législatives de novembre 2020 avaient été faussées, n’ont aucun respect pour la Constitution de 2008 dont ils affirment pourtant être les garants.
Le 31 janvier dernier, ils ont ainsi décidé de prolonger de six mois l’état d’urgence, arguant de "la situation extraordinaire du pays". Pourtant, comme le rappelle François Guilbert, analyste avisé de la situation en Birmanie, la Constitution prévoit que la durée d’un tel état d’urgence ne peut dépasser deux ans. Et qu’en outre, son extinction doit être suivie de l’organisation d’élections dans un délai de six mois.
Le résultat de la prolongation du 31 janvier, c’est que le scrutin qui aurait dû se tenir à l’horizon d’août prochain est renvoyé aux calendes grecques. Car il est à craindre que "la situation extraordinaire", et surtout chaotique, du pays ne dure. De fait, comme l’a admis l’homme fort du régime lui-même, le général Min Aung Hlaing, un tiers des cantons du pays échappent au contrôle militaire complet des autorités.
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En effet, si dans les premiers mois qui ont suivi le coup d’État de février 2021, la résistance d’une grande partie de la population a été pacifique, avec des manifestations, souvent ludiques, et des mouvements de grève impressionnants, la répression brutale exercée par la junte a poussé une partie des opposants à prendre les armes. Et notamment au sein de la communauté ethnique bamar, la plus importante numériquement en Birmanie. Au cœur du pays, donc…
Un désaveu cinglant pour des généraux qui se présentent en héritiers nationalistes de la lutte pour l’indépendance contre le colonisateur britannique. Les combattants bamars, souvent improvisés au départ, ont reçu progressivement le soutien de guérillas plus anciennes, implantés de longue date dans les minorités tels que les Karens, les Chins, les Kachins… et qui ont une expérience éprouvée des affrontements avec l’armée birmane, même si une partie de ces groupes armés ont participé à des pourparlers de paix avec le pouvoir dans les années qui ont précédé le coup d’État de février 2021.
Si à terme plus ou moins rapproché, dans l’espoir de donner aux yeux du monde une apparence de légitimité démocratique à leur régime despotique, les généraux birmans organisaient vraiment un scrutin, la loi électorale qu’ils ont édictée le mois dernier garantirait la victoire aux partis qui leur sont proches. Et en particulier au Parti de la solidarité et du développement de l’Union qui en novembre 2020 avait pourtant subi une humiliante défaite.
Cette loi prévoit en effet que les formations politiques doivent se faire réenregistrer, mais ce réenregistrement est soumis à des conditions d’implantation et de nombre d’adhérents tellement draconiennes qu’il serait sans doute impossible pour d’authentiques formations d’opposition de les remplir. À commencer bien sûr par la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi, 78 ans, incarnation historique du combat pour la démocratie. Et déjà condamnée par la sinistre junte birmane à plus de trois décennies de prison.
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