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Édito de Marie-Hélène Lafage - Contrairement à ce que dit Nicolas Sarkozy, la crise climatique n’est pas une crise démographique

Un article rédigé par Marie-Hélène Lafage - RCF, le 7 octobre 2023 - Modifié le 7 octobre 2023
Le point de vue de 7h20Édito de Marie-Hélène Lafage - Transformer notre mode de vie avec les moments de rupture

En ce moment, Nicolas Sarkozy est de retour sur la scène médiatique avec la parution de son livre. Et il y a un passage sur le climat qui fait réagir. En effet, il accuse la surpopulation mondiale d’être la première cause du changement climatique.

Marie-Hélène Lafage est consultante et enseignante en politiques de transition écologique.Marie-Hélène Lafage est consultante et enseignante en politiques de transition écologique.

 

Je voudrais d’abord revenir sur les propos exacts de Nicolas Sarkozy. Dans son livre il écrit : « Comme il est étrange d’entendre parler à chaque instant du dérèglement climatique, bien réel, sans qu’un mot soit prononcé du dérèglement démographique qui se trouve en être la première cause ». Il s’en est expliqué dans une émission de télévision en donnant des chiffres : on était 2,5 milliards sur terre à sa naissance en 1955 et on est 8 milliards aujourd’hui. Du jamais vu.

 

Il donne en particulier des projections démographiques pour l’Afrique dans 30 ans, avec 2,5 milliards d’habitants. Il affirme qu’il vaut mieux peu d’Européens qui polluent beaucoup individuellement qu’énormément d’Africains qui polluent moins. Il va jusqu’à déclarer qu’il faudrait définir une population maximale pour vivre sur la planète « pacifiquement ». La logique paraît implacable : plus de monde, plus de consommation de ressources, plus de déforestation, plus de pollution.

 

La première source de pollution mondiale n'est pas la surpopulation

 

D’abord il faut mettre fin à ce mythe du « boom démographique » infini : les projections de l’ONU, qui font autorité en la matière, donnent une stabilisation de la population mondiale à horizon 2100 du fait d’une baisse généralisée du taux de fécondité.

Ensuite, on peut identifier plusieurs biais dans le raisonnement de Nicolas Sarkozy, qui nie complètement les ordres de grandeur. Pour illustrer : quand Bill Gates entre dans un bar, on peut dire qu’en moyenne tous les clients sont milliardaires. De la même manière, on parle d’augmentation globale des émissions de CO2 alors que les 10 % les plus riches en sont pour l’essentiel responsables. Par exemple, un Américain émet autant de CO2 que 42 Nigérians.

Par ailleurs, en parlant de démographie et d’émissions par habitants, on oublie que le changement climatique est lié à un modèle économique, basé sur les énergies fossiles. Enfin, même d’un point de vue pragmatique, on peut agir plus facilement sur les émissions CO2 d’une minorité que sur la démographie d’une majorité, qui aura toujours une très forte inertie.

 

Le rôle de la pression démographique en écologie

 

Alors c’est vrai, la pression démographique peut poser problème dans certaines régions pour ce qui est de l’accès aux ressources et de la dégradation des écosystèmes. Mais non, la démographie n’est pas la première cause du changement climatique. Les écarts de mode de vie sont trop importants. Finalement, les propos de Nicolas Sarkozy sont irresponsables de la part d’un ancien président de la République. D’abord parce que ça encourage les nouvelles formes de climatoscepticisme : on ne nie plus le changement climatique mais son origine humaine et économique.

 

On est capable de discuter des limites planétaires en matière de démographie mais pas pour l’économie. On continue à tenir des discours néo-colonialistes en direction de l’Afrique. Et au final, on dépolitise en niant les responsabilités politiques derrière tout ça. Au fond c’est une question d’écologie, d’économie, de justice sociale. Une vraie question d’écologie intégrale ! Le Pape François ne s’y est pas trompé en abordant le sujet dans Laudato si‘ où il dit : « [En parlant de réduire la natalité dans certaines parties du monde] on prétend légitimer […] le modèle de distribution actuel où une minorité se croit le droit de consommer dans une proportion qu’il serait impossible de généraliser ».

 

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