Ni apathie, ni résignation. Le pouvoir, qui a multiplié les erreurs d'appréciation et de communication tout au long de la bataille des retraites, a encore perdu une manche décisive, hier.
Gonflés à bloc par une mobilisation historique, les opposants à la réforme ont franchi un cap. Ils ne s'intéressent même plus au sort que le Sénat va réserver au texte cette semaine, tant ils sont persuadés que le gouvernement est coincé. Dans l'impasse. Obligé de tout retirer. Mais ils n'ont pas forcément tort.
Les sénateurs vont continuer leurs petites affaires à leur train habituel. Cette nuit, ils ont bataillé sur l'article 7 du projet de loi, celui qui énerve tout le monde parce qu'il porte sur le report de l'âge légal du départ à la retraite de 62 à 64 ans. Bon an mal an, le Sénat devrait parvenir à examiner l'ensemble des 20 articles de la réforme, les amender et voter le tout d'ici dimanche, minuit.
Le mercredi suivant, 15 mars, une Commission mixte paritaire composée de sept sénateurs et sept se réunira pour se mettre d'accord sur un texte commun, soumis à un dernier vote du Parlement. Ce qui pourrait être fait dès le lendemain, jeudi 16 mars, sans avoir besoin de recourir à l'article 47.1 de la Constitution, et peut-être même sans passer par un 49.3.
Depuis leur succès d'hier, les adversaires d'Emmanuel Macron peuvent se permettent de croire tout le contraire. Ils se disent que la pression populaire est bien trop puissante, et ils vont s'employer à la maintenir par le truchement des grèves reconductibles. Au point que des députés de la majorité prennent peur et s'abstiennent de voter le texte final, c'est pas sûr, mais le groupe parlementaire Renaissance s'en inquiète tout de même. Hier, la présidente du groupe, Aurore Berger, a prévenu ses troupes : toutes celles ou ceux qui voteront contre le texte final ou s'abstiendront seront exclus. Ça ne rigole plus.
Ceci dit, la Nupes et l'intersyndicale regardent vraiment ailleurs. Ils sont persuadés que le gouvernement ne pourra pas tenir. Et que même voté, le texte ne sera pas mis en application. La levée de boucliers est trop forte. Hier, l'intersyndicale a lancé un appel direct à Emmanuel Macron, en évoquant "un grave problème démocratique" et "une situation qui pourrait devenir explosive". L’intersyndicale demande à être "reçue en urgence" par le président de la République "pour qu’il retire sa réforme".
Même son de cloche du côté de Jean-Luc Mélenchon, qui manifestait à Marseille ce mardi. Le chef de file des Insoumis a appelé le chef de l'État à "prendre l’initiative démocratique qui correspond à cette situation de blocage", en décidant soit d’une dissolution de l’Assemblée, soit d’un référendum sur les retraites.
Et ça n'arrivera pas. Mais c'est sur ce thème que les adversaires d'Emmanuel Macron vont le travailler au corps dans les jours qui viennent. Le message sera le suivant : ce président qui n'écoute pas les Français a braqué tout le monde, nous avons un grave problème démocratique, il n'a plus aucune légitimité, il faut voter pour en changer.
J'entends cette musique qui monte, je comprends le calcul politique qu'il y a derrière, mais je vous le dis, ce pari est très, très dangereux. Il tente la gauche en général, et les Insoumis en particulier, mais ils se trompent lourdement. Ce n'est pas à eux que profiteraient des élections, maintenant ou en 2027. La gauche, même quand elle est unie, ne pèse plus que 30% des voix dans ce pays.
J'en suis convaincu : si nous avions à voter aujourd'hui, ou demain, sous le coup de la colère, de la rancœur ou de l'émotion, c'est le Rassemblement national de Marine Le Pen qui en tirerait profit. À l'exclusion de tout autre parti.
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