À première vue, c’est un beau coup diplomatique, et plus encore de relations publiques, pour la Chine. Le 10 mars dernier, l’Arabie saoudite et l’Iran ont conclu, par son entremise, un accord par lequel les deux pays s’engagent à reprendre leurs relations diplomatiques dans un délai de deux mois. Et ce, après une brouille de sept ans.
La rupture faisait suite à l’exécution en Arabie saoudite d’un célèbre religieux appartenant à la minorité chiite du pays. Exécution qui avait elle-même entraîné l’attaque de missions diplomatiques saoudiennes en Iran par des manifestants.
Si la Chine est venue mettre son cachet sur l’accord du 10 mars, les deux puissances moyen-orientales avaient déjà entamé des discussions en Irak à partir de 2021 pour tenter de normaliser leurs relations. Aujourd’hui, l’une et l’autre y ont intérêt, au moins à court terme.
L’Iran, secoué depuis l’automne dernier par des protestations que le régime réprime violemment, a besoin d’améliorer son image sur la scène internationale. Qui plus est, les dirigeants de la République islamique estiment qu’Iran International, une chaîne de télévision financée par l’Arabie saoudite, entretient l’agitation dans le pays et voudrait donc que Riyad lui coupe des crédits.
De son côté, l’Arabie saoudite souhaite se désengager du Yémen, où elle est empêtrée depuis 2015 dans une guerre qu’elle a déclenchée. Pour ce faire, elle espère que l’Iran fera pression sur ses alliés yéménites, les Houthis, qui contrôlent le nord du pays et avec qui Riyad est en négociation. La priorité de l’Arabie saoudite est d’assurer la sécurité de ses frontières.
La Chine de son côté a clairement intérêt à ce que le Moyen-Orient reste globalement stable. Et donc que l’Iran et l’Arabie saoudite soient en termes à peu près cordiaux. Car même si la guerre en Ukraine a permis à Pékin d’obtenir des hydrocarbures russes à prix cassé, une part essentielle de ses
approvisionnements pétroliers vient du golfe arabo-persique.
Sur un plan plus diplomatique, l’accord du 10 mars est évidemment un pied de nez de Pékin aux États-Unis, supposés être la puissance la plus influente au Moyen-Orient. De fait, il a suscité outre-Atlantique beaucoup de commentaires sur le supposé déclin stratégique américain. Et ce, d’autant plus qu’il intervient après le désaveu déjà opposé l’an dernier aux États-Unis par l’Arabie saoudite. Riyad avait alors refusé de provoquer une baisse du cours du pétrole ce que Washington lui demandait instamment.
On peut certes voir dans l’accord du 10 mars dernier une confirmation de ce que les dirigeants saoudiens n’entendent plus mettre tous leurs œufs dans le panier américain, mais diversifier leurs alliances. Reste que contrairement aux États-Unis, qui disposent de plusieurs bases militaires au Moyen-Orient, la Chine n’a pas dans cette région les moyens de protéger l’Arabie saoudite en cas de nécessité. Pas plus sans
doute qu’elle n’a de moyens d’influence suffisants sur l’Arabie saoudite et l’Iran pour garantir vraiment l’application de l’accord du 10 mars si l’un ou l’autre des signataires revenait sur ses
engagements.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !