Dans le sud-ouest de la Somalie, 300.000 personnes risquent de se retrouver d'ici à la fin de l’année en situation de famine. En principe, les experts des questions humanitaires n’emploient pas le terme de "famine" à la légère. Car il désigne des crises extrêmes, correspondant au cinquième degré, le plus élevé, sur l’échelle dite IPC (Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire).
Il y a famine quand un ménage sur cinq fait face à un manque extrême de nourriture, quand plus de 30% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë, et surtout quand au moins deux personnes sur 10.000 meurent chaque jour de privation de nourriture ou de maladies qui en résultent. Or, c’est bien contre un risque de famine que les experts de l’IPC mettent en garde dans deux districts (Baidoa et Buur Hakaba) de la Bay Region d’ici fin décembre si l’aide n’arrive pas en quantité suffisante, que ce soit sous forme de nourriture ou d’argent pour en acheter.
La Somalie, qui vit de longue date une instabilité chronique marquée par des affrontements entre de multiples factions armées, a connu successivement depuis 2020 quatre saisons de pluie insuffisantes et une cinquième se profile entre octobre et décembre. Ce qui va amputer de nouveau la production agricole dans la Bay et provoquer des pertes dans le bétail, alors que dans le même temps les prix des denrées alimentaires importées ont connu des hausses spectaculaires sur fond de guerre en Ukraine.
Lorsque les paysans et les éleveurs des zones rurales n’ont plus rien pour survivre, beaucoup partent pour la ville la plus proche, les zones urbaines étant les endroits où l’aide internationale est habituellement distribuée.
En 1992 déjà, la Bay Region avait été l’épicentre d’une famine dans le pays. Tout comme en 2011 lorsque la faim avait provoqué la mort d’environ 250 000 personnes. Aujourd’hui, la ville de Baidoa compte déjà plusieurs centaines de camps de fortune regroupant des déplacés. Avec les populations démunies qui sont restées dans leur village, ces déplacés forment les victimes désignées d’une nouvelle famine.
Face à une telle urgence, les organisations onusiennes appellent à accélérer le financement de l’aide internationale à la Somalie. En août dernier, le Programme Alimentaire Mondial estimait qu’il lui manquait 310 millions de dollars pour venir en aide aux populations en danger d’ici à la fin de l’année.
Le pays a un nouveau président depuis mai dernier. Mais son pouvoir est fragile en raison de la puissance des grandes régions dont les prérogatives sont inscrites dans la Constitution provisoire de 2012. Son pouvoir aussi est fragile aussi parce qu’une partie importante du pays, singulièrement des zones rurales du sud-ouest menacées par la famine, se trouve sous le contrôle du groupe jihadiste Al-Shabaab, officiellement affilié à al-Qaïda.
Des jihadistes qui sont généralement réticents face aux organisations humanitaires étrangères, perçues comme occidentales, mais qui n’ont pas les moyens de fournir eux-mêmes aux populations les plus fragiles l’aide dont celles-ci risquent d’avoir besoin dans les semaines qui viennent.
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