Chers amis, Se risquer. Écouter. Être vrillée au-dedans, entamée. Ne pas chercher à se protéger mais être dépouillée par ces récits pleins de chagrin inextinguible, de questions abyssales et d’exigences impératives. Il y a quelques jours je recevais la délégation, venue du grand nord canadien, de la communauté inuite. Celle-là même qui a fait face au pape François cet été et lui a exprimé son immense douleur et sa colère devant les crimes qu’elle a subis, crimes commis pour nombre d’entre eux par des religieux, dont des Français dans des écoles voulues par l’État canadien et qui osaient se nommer "résidentielles"...
Une peine à fleur de peau, d’âme, de mots, comme celle des enfants de Marius Tungilik dont
la vie fut hantée par les crimes qu’il a subi d’un religieux français. Il en est mort. Maintenant
sa fille Tanya et son frère portent cette dette immémoriale de lui rendre justice. L’extradition demandée par la justice canadienne, afin qu’il soit jugé devant ses victimes, a été rejetée par la France au nom de sa tradition constitutionnelle. Alors que reste-t-il à ces femmes et ces hommes ? À cette communauté ? À d’autres victimes peut-être ?
Il reste que nous répondions de notre responsabilité aujourd’hui. Nous ne pouvons refaire l’histoire, malheureusement. Et je ne crois pas devoir, ni d’autres ni moi, endosser les crimes probables de cet homme. Mais il nous revient, me revient de faire face, maintenant. Simplement parce que je suis là devant cette terrifiante réalité de vies humiliées et détruites et de leurs questions sans fond qui exigent des réponses. Trente ans de silence des autorités ecclésiastiques concernées. Qui peut l’admettre ? Une commission d’enquête a été décidée par la congrégation concernée, les Oblats de Marie-Immaculée. Merci, profondément, à elle.
Car il faut regarder en face comment il a été possible, une fois de plus, que rien ne se passe. Le faire de façon déterminée, transparente. Dans cette conscience si douloureuse que si cette vérité, aussi dure soit-elle est impérative, elle ne répondra pas à l’excès du malheur qui se lit sur le visage, au fond des yeux de ces enfants, de ces victimes, du creux de leur immense dignité. Ce silence, pour chaque victime, est une torture au quotidien.
Rien ne fera revenir les vies détruites, et ces chagrins sont inconsolables. L’obligation d’humanité d’être là et de répondre en est décuplée. Mettre toutes ses forces dans la reconnaissance de chaque visage meurtri et rendre justice en faisant "un peu de vérité" sur ces crimes et sur l’indignité de nos institutions quand elles ont failli.
Tant qu’il y aura des victimes non entendues et crues, tant que tout le possible ne sera pas accompli pour restaurer la dignité qui leur est due, il n’y aura pas de repos. Tout le reste n’est que – mauvaise – littérature.
Véronique Margron, op.
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