LA CHRONIQUE DE FLORAINE JULLIAN. Ce lundi matin, le Premier ministre préside la cérémonie d'hommage national aux victimes du terrorisme à Arras, ville où le professeur Dominique Bernard a été tué il y a cinq mois par un ancien élève âgé de 20 ans et fiché pour radicalisation islamiste. Quel est le lien entre la laïcité à l'école et la radicalisation violente ?
Cette journée d’hommage relance de nombreux débats sur la laïcité à l’école, débats qui donnent à voir l’ampleur des préjugés sur le sujet. Pour commencer, revenons sur la loi de 2004 qui fêtera ses 20 ans le 15 mars 2024.
Le 15 mars 2004 a été adoptée la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Le terme "ostensible" désigne ce qui est visible et mis en valeur de façon excessive, il faut donc retenir de cette loi que les élèves du public ont le droit de porter des signes religieux discrets.
Revenons quinze ans en arrière pour comprendre comment on en est arrivés là. En septembre 1989, au collège Gabriel-Havez de Creil (Oise), trois collégiennes refusent d’enlever leur "foulard" en invoquant des motifs religieux. L’affaire devient une polémique nationale qui va résonner dans l’opinion et fracturer la société. L’événement s’invite dans le débat public dans une période où les débats sur les questions relatives à l’identité, l’équité et l’égalité sont particulièrement présents.
Auparavant, le thème de la laïcité scolaire renvoyait surtout à l’opposition traditionnelle entre la gauche laïque militante, hostile à l’école privée, et la droite, alliée au monde catholique.
L’affaire de Creil change la donne, en instaurant un lien quasi automatique entre les sujets "laïcité" et "islam" alors que le contexte politique et géopolitique n’est pas des plus apaisé.
Malheureusement, on entretient des liens qui maintiennent une polarisation dangereuse pour notre société. Chaque attentat commis au nom de l’idéologie djihadiste, pousse une partie du monde politique à la surenchère et relance les théories complotistes du grand remplacement, avec une répercussion sur le terrain scolaire.
Désolidariser les questions de radicalisation violente et les enjeux de l’école est devenu presque impossible alors qu’on pourrait décider de voir les choses différemment et ce ne sont pas les données qui manquent pour y parvenir.
Dans une enquête de l’institut Kantar, réalisée en 2023 sur le rapport des jeunes de 18 à 30 à la laïcité, on apprend que pour 29 % d’entre eux, la laïcité a pour objectif de mettre les religions sur un pied d’égalité et pour encore 29 % de ces jeunes, elle assure la liberté de conscience des citoyens. Soit un total de plus de 60% qui ont une vision plutôt positive de la laïcité dégagée de tout lien avec la radicalisation violente et le terrorisme.
Dans cette même enquête, 68 % estiment que la laïcité devrait évoluer en France. Ce qui est sûr c’est que pour une évolution qui tient compte des grands enjeux de la société française, c’est presque d’une grande convention citoyenne sur le sujet dont on aurait besoin !
Une nouvelle chronique pour déconstruire les préjugés.
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