POINT DE VUE DE JOSEPH THOUVENEL - Pas assez d’Etat pour les uns, trop d’état pour les autres ou comment arbitrer entre HEGEL : "l’Etat est la réalité en acte de la liberté concrète" et Nietzsche : "L’Etat est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : moi l’Etat je suis le peuple".
Je ne m’aventurerais pas à commenter les propos de ces deux monstres d’intelligence philosophique. Je note juste que l’un comme l’autre ont été la référence d’écoles de pensées menant rapidement au totalitarisme. Comme quoi, quelque fois, mieux vaut avoir moins d’esprit mais penser plus juste.
Je constate simplement qu’une société organisée nécessite une autorité, par laquelle passe notamment l’édiction de la règle de droit et éventuellement l’emploi de la force publique. Pour qu’elle soit civilisée, cette autorité a besoin des corps intermédiaires qui, en vertu du principe de subsidiarité régulent les relations entre les citoyens et l’Etat.
Cette organisation me semble-t-il à deux gros avantages : ne pas laisser la personne seule face à un Etat tout-puissant ; éviter la tyrannie de l’opinion de quelques-uns au détriment du bien commun. Il est du devoir de chacun de veiller à ce que ces équilibres ne soient pas rompus.
Au XVIIIe siècle, issue des Lumières, l’emporta la théorie du libre contrat. Celle-ci, pour ses partisans, permettait et justifiait l’existence de l’Etat en garantissant l’ordre social, « chacun est libre en obéissant à la loi de tous », argumentaient ils.
C’est comme cela qu’en 1791, dans la fureur révolutionnaire, un bon bourgeois, avocat de son état, le citoyen Isaac Le Chapelier porta sur les fonts baptismaux républicains une loi proscrivant les organisations ouvrières, les corporations de métiers, le compagnonnage et tout rassemblement paysan. Entre la liberté théorique de chaque personne et l’Etat, plus rien !
Conséquence du principe de liberté décrété comme un absolu : la grande misère des petites gens en général et du monde ouvrier en particulier. Cette théorie ultra-libérale n’est pas morte. Ils sont nombreux aujourd’hui à nous chanter la liberté omnipotente, intégrale, sans contrainte qui doit mener le monde. Vous les retrouvez du côté des affaires comme dans celui de la famille.
L’union des deux est par exemple la banalisation de l’achat d’enfant via la GPA (gestation pour autrui). L’humain est ravalé au rang de marchandise. L’histoire nous montre pourtant qu’arrivés au pouvoir les tenants d’une liberté débridée ont tôt fait de mettre en place un état tentaculaire et totalitaire. Pour eux, la liberté d’expression, c’est Alain Finkielkraut et quelques autres interdits de parole, avant d’être dénoncés comme déviants.
La question n’est pas, trop ou trop peu d’Etat, mais simplement les hommes et les femmes exerçant le pouvoir, politique, économique, et médiatique ont-ils quelques notions du bien commun, du respect de la dignité inaliénable de chaque personne et l’amour de la vérité ?
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