LE POINT DE VUE DE BLANCHE STREB - Une tribune dans Le Monde présente la gestation pour autrui (GPA) comme le sujet clivant de la prochaine campagne présidentielle. Cette pratique est, pour l'instant, interdite en France en raison des risques et des injustices qu'elle comporte. Blanche Streb revient sur les enjeux de cette question.
Oui Pierre-Hugues. Même si j’avoue, j’aurais aimé proposer plus léger, la rentrée est déjà bien assez chargée. Mais ce sujet est ressorti, notamment dans Le Monde, via une tribune particulièrement fallacieuse, à la rhétorique aussi pauvre que trompeuse.
C’est le fait de provoquer une grossesse chez une femme qui remettra l’enfant à la naissance à un ou plusieurs tiers commanditaires. Souvent contre paiement. Cette pratique est interdite en France, en raison des risques et injustices qu’elle comporte. En raison du principe d’indisponibilité du corps humain. Pour protéger la dignité humaine, en particulier de la femme, fut-elle consentante. Pour protéger l’intérêt de l’enfant, qui n’est évidemment pas d’être conçu pour devenir un objet d’échange.
Certains mots dans ce papier m’ont particulièrement heurtée, en tant que femme et mère. Les auteurs prétendent par exemple que la GPA serait interdite au nom d’arguments symboliques, comme « la souffrance supposée de l’enfant séparé de la femme porteuse ». C’est déshumanisant et même obscurantiste. La grossesse n’est pas une étape transparente, ni pour la mère, ni pour l’enfant. La science d’ailleurs ne cesse de mettre en lumière les interactions qui les relient et la réalité des processus d’attachement. Pour le bébé, l’attachement est un réflexe de survie, un mécanisme physiologique et psychologique spontané. Aucun contrat entre des parents d’intention et une mère porteuse n’aura le pouvoir d’effacer cette expérience humaine d’attachement qui se tisse naturellement chez le fœtus envers celle en qui sa vie prend corps. Dès la naissance, il cherche sa présence. Il sait qui elle est, qui elle n’est pas.
Les séparations dans le cadre des accouchements sous X et des adoptions ne sont pas comparables. Ce sont des accidents de vie. Quand l’adoption tente de réparer ce préjudice en permettant à l’enfant de recouvrer une famille, la GPA, au contraire, l’organise.
Ainsi, la blessure la plus profonde que l’enfant issu de GPA aura sans doute à résoudre dans sa vie sera de réaliser que ce sont ses parents commanditaires qui ont eux-mêmes créé la situation de rupture avec la mère de naissance. C’est ce message que partage courageusement Olivia Maurel, elle-même née de GPA aux Etats-Unis, devenue une figure de la lutte pour l’abolition universelle de la GPA.
Une pratique qui revient à nier l’expérience unique de la grossesse et de la maternité. Et donc, à nier une part fondamentale de notre humanité.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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